“Avant d’être apôtres, prêtres, évêques, cardinaux, nous sommes ‘Parthes, Mèdes et Élamites’… c’est-à-dire des expressions de cultures différentes atteintes par l’annonce à des moments et de manières différentes.” C’est ce que le pape François a rappelé aux 20 nouveaux cardinaux à qui il a remis la calotte, la bague et le titre d’une église de Rome lors du Consistoire tenu sur la place Saint-Pierre (sur les 21 nommés, le plus ancien, le capucin argentin Luis Dri, était absent en raison de son âge : 96 ans).
Selon François, cette leçon est “très importante et ne doit pas être oubliée” : “Parce qu’à travers l’histoire de notre peuple, je dirais dans la chair de notre peuple, l’Esprit Saint a opéré le miracle de la communication du mystère de Jésus-Christ mort et ressuscité. Et il est arrivé à nous dans nos langues, sur les lèvres et dans les gestes de nos grands-parents et de nos parents, des catéchistes, des prêtres, des religieux… Chacun de nous peut se rappeler des voix et des visages concrets.” “La foi est transmise en dialecte : n’oubliez pas cela, la foi est transmise en dialecte, c’est-à-dire par les mères et les grands-mères”, a réitéré le pape, selon lequel “nous sommes des évangélisateurs dans la mesure où nous conservons dans notre cœur l’émerveillement et la gratitude d’avoir été évangélisés. En fait, il s’agit d’un don toujours actuel, qui demande d’être continuellement renouvelé dans la mémoire et dans la foi.” “Évangélisateurs et évangélisés, et non des fonctionnaires !”, a ensuite martelé François pour que sa recommandation pénètre les nouveaux cardinaux.
“L’Église ne vit pas de rente, et encore moins d’un patrimoine archéologique, aussi précieux et noble soit-il. L’Église, et chaque baptisé, vit du présent de Dieu, par l’action de l’Esprit Saint”, a-t-il encore expliqué, soulignant que “la Pentecôte – tout comme le baptême de chacun de nous – n’est pas un événement du passé, c’est un acte créatif que Dieu renouvelle continuellement.” “Même l’acte que nous accomplissons ici maintenant a du sens si nous le vivons dans cette perspective de foi”, a poursuivi François en référence à la création des 21 nouveaux cardinaux : “Et aujourd’hui, à la lumière de la Parole, nous pouvons comprendre cette réalité : vous, nouveaux cardinaux, venez de différentes parties du monde et c’est le même Esprit qui a fécondé l’évangélisation de vos peuples, qui renouvelle maintenant en vous votre vocation et mission dans l’Église et pour l’Église.” L’image choisie par le pape est celle d’un orchestre : “le Collège des Cardinaux est appelé à ressembler à un orchestre symphonique, qui représente la symphonie et la synodalité de l’Église”.
“Je dis aussi ‘synodalité’, non seulement parce que nous sommes à la veille de la première Assemblée du Synode qui a précisément ce thème, mais aussi parce qu’il me semble que la métaphore de l’orchestre peut bien éclairer le caractère synodal de l’Église”, a précisé François : “Une symphonie vit de la sage composition des timbres des différents instruments : chacun apporte sa contribution, parfois seul, parfois avec quelqu’un d’autre, parfois avec tous.” “La diversité est nécessaire, elle est indispensable. Mais chaque son doit contribuer au dessein commun”, a-t-il souligné, définissant “l’écoute réciproque” comme “fondamentale” à cette fin : “chaque musicien doit écouter les autres. Si l’un n’écoutait que lui-même, aussi sublime que puisse être son son, il ne servirait pas à la symphonie ; et il en irait de même si une section de l’orchestre n’écoutait pas les autres, mais jouait comme si elle était seule, comme si elle était tout.”
“Et le chef d’orchestre est au service de cette sorte de miracle qu’est à chaque fois l’exécution d’une symphonie”, a expliqué François : “Il doit écouter plus que tous les autres, et en même temps sa tâche est d’aider chacun et tout l’orchestre à développer au maximum la fidélité créative, fidélité à l’œuvre qui est en train d’être exécutée, mais créative, capable de donner une âme à cette partition, de la faire résonner ici et maintenant de manière unique.” “Il nous fait du bien de nous refléter dans l’image de l’orchestre, pour apprendre de mieux en mieux à être une Église symphonique et synodale”, a proposé aux membres du Collège cardinalice, “dans la confiance réconfortante que nous avons comme maître l’Esprit Saint : maître intérieur de chacun et maître de la marche ensemble. Il crée la variété et l’unité, c’est Lui qui est la même harmonie.” “Saint Basile cherche une synthèse quand il dit : ‘ipse harmonia est'”, a-t-il ensuite conclu de mémoire.
Le neuvième consistoire du pape François, avec l’entrée au Sacré Collège de 21 nouveaux cardinaux, porte à 242 le total des cardinaux, dont 137 électeurs (qui reviendront fin 2024 à la limite de 120 fixée par Paul VI et souvent dérogée) et 105 non électeurs. Désormais, le Collège cardinalice représente les 7 continents avec 91 pays, dont 71 ont des cardinaux électeurs. En ce qui concerne la répartition géographique des pourpres, 27,9% des cardinaux électeurs proviennent d’Europe, 17,5% d’Asie, 13,9% d’Afrique, 12,4% d’Amérique du Nord, 12,4% d’Amérique du Sud, 3,6% d’Amérique centrale et 2,2% d’Océanie.
“Une Église synodale qui sait écouter tous est la voie non seulement pour vivre personnellement la foi, mais aussi pour grandir dans la véritable fraternité chrétienne”, a déclaré le nouveau cardinal Robert Francis Prevost, préfet du Dicastère pour les évêques, dans son salut au pape au nom des 21 nouveaux cardinaux au début de la messe du consistoire. “Vous nous avez rappelé qu’il est nécessaire d’apprendre à écouter comme les Saints, comme saint François d’Assise qui a écouté la voix de Dieu, la voix des pauvres, la voix des malades, la voix de la nature”, a poursuivi Prevost : “Au-delà de la recherche de nouveaux programmes ou modèles pastoraux, toujours nécessaires et importants, je crois que nous devons toujours mieux comprendre que l’Église n’est pleinement elle-même que lorsqu’elle écoute vraiment, lorsqu’elle marche comme un nouveau peuple de Dieu dans sa merveilleuse diversité, redécouvrant continuellement son appel baptismal à contribuer à la diffusion de l’Évangile et du Royaume de Dieu. La beauté de l’universalité de l’Église qui se manifestera lors du synode sera un signe très important, capable de parler de la mission que nous avons tous reçue en tant que baptisés, en communion avec le successeur de Pierre et dans la profession de la même foi.”
Douze mille fidèles et douze délégations officielles étaient présents aujourd’hui sur la place Saint-Pierre. Pour l’Espagne – informe la Préfecture de la Maison Pontificale – Félix Bolanos Garcia, ministre de la Présidence, est présent, suivi ; pour la France, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est présent, suivi ; pour l’Italie, le ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, est présent, suivi ; pour la Pologne, la ministre de la Présidence, Grazyna Ignaczak-Bandych, est présente, suivie ; pour le Portugal, la ministre des Affaires parlementaires, Ana Caterina Mendes, est présente, suivie ; pour la Colombie, l’épouse du président de la République, Verónica Alcocer Garcia, est présente, suivie ; pour l’Argentine, l’ambassadrice Maria Fernanda Silva, est présente, suivie ; pour la Jordanie, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Majid El Katarnehe, est présent, suivi ; pour la Palestine, Mouin Elias Yousef Khouri, du Comité présidentiel pour les Affaires des Églises, est présent, suivi ; pour le Sud-Soudan, l’envoyé spécial du président de la République, Benjamin Bol Mel Kuol, est présent, suivi ; pour l’Ordre de Malte, frère Emmanuel Rousseau, grand commandeur de l’Ordre souverain militaire de Malte, est présent, suivi ; pour l’Ordre du Saint-Sépulcre, l’ambassadeur Leonardo Visconti di Modrone, gouverneur général de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, est présent, suivi. Parmi les personnalités présentes se trouvent également frère Alois Löser, prieur de la Communauté de Taizé, et Patrick E. Kelly, chevalier suprême des Chevaliers de Colomb.
Sante Cavalleri et Andrea Sillioni