Le Pape lève le secret pontifical pour les cas d’abus sur mineurs dans l’Église

C’est un nouveau pas important du Pape François dans la lutte contre les abus sexuels commis par des membres du clergé sur les mineurs. Un nouveau texte promulgué début décembre et rendu public ce 17 décembre, prévoit en effet “l’abolition du secret pontifical” pour ces affaires. 

L’article 3 du “rescrit” du Pape stipule que les “informations sont traitées de façon à en garantir la sécurité, l’intégrité et la confidentialité établies par le Code de Droit Canon (…) afin de protéger la bonne réputation, l’image et la sphère privée des personnes impliquées”. Autrement dit, ces délits soumis jusqu’alors au “secret pontifical” se trouvent désormais soumis au simple “secret professionnel” prévu pour préserver les personnes impliquées. 

Collaborer avec la justice civile

Mais selon l’article 4, pour autant ce “secret professionnel n’empêche pas l’accomplissement des obligations établies par les législations nationales, y compris les éventuelles obligations de signalement, ainsi que l’exécution des requêtes exécutives des autorités judiciaires civiles”.

Ce qui implique une meilleure collaboration avec la justice des divers pays concernés et aussi de faciliter “l’obligation de dénoncer” aux autorités religieuses les cas d’abus, une mesure déjà mise en place par le Pape. Aucun devoir de silence sur les faits ne peut être imposé à ceux qui effectuent une signalement, à la victime et aux témoins”, prévoit l’article 5. 

Le Pape a par ailleurs établi que le délit de pédopornographie concerne désormais la détention ou diffusion d’images pornographiques montrant des mineurs jusqu’à 18 ans, et non plus limité à 14 ans.

Une autre modification concerne l’abolition des règles régissant le rôle des avocat et procureur. Dans les procès pour abus dans les Tribunaux diocésains et de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, ces rôles devaient être endossés par des prêtres. Désormais il pourra s’agir de laïcs

Une décision qui fera date

“C’est un choix qui fait date”, a commenté l’archevêque de Malte, Mgr Charles Scicluna, secrétaire adjoint de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, rappelant qu’une “journée entière avait été dédiée à la transparence” lors du sommet sur les abus sexuels dans l’Église convoqué par le Pape en février 2019 au Vatican.

“Avec la nouvelle loi ‘Vos estis lux mundi’ de mai 2019, le Saint-Père a également commencé à appliquer les décisions prises en février. C’est aujourd’hui un autre élément très important parce que je me souviens qu’au cours des discussions de février dernier, à maintes reprises le secret pontifical a été évoqué comme étant presque un obstacle à l’information juste donnée aux victimes et à la communauté. À mon avis, cette décision fait date dans le contexte de l’institution juridique du secret pontifical et arrive vraiment au bon moment.”

Interrogé par Andrea Tornielli, directeur éditorial du Dicastère pour la communication du Vatican, Mgr Scicluna a aussi rappelé “les obstacles qui existaient jusqu’à présent: la victime n’avait pas la possibilité de connaître le verdict suite à sa plainte, parce qu’il y avait le secret pontifical. Des obstacles empêchaient aussi certaines communications parce que le secret pontifical est le secret du plus haut niveau dans la procédure de confidentialité du Droit canonique. Maintenant, la possibilité de sauvegarder la communauté et communiquer l’issue d’une sentence sont facilités”.

Désormais, avec l’abolition du secret pontifical, les documents sur ces cas d’abus “n’appartiendront pas au domaine public mais, par exemple, il sera plus facile de collaborer concrètement avec un Etat, dans le sens où le diocèse qui détient des documents n’est plus soumis au secret pontifical et peut donc décider – comme il se doit – de bien coopérer en transmettant une copie des documents aux autorités aux civiles. Ce rescrit, cette nouvelle loi, parle aussi de la nécessité de sauvegarder la vie privée de la personne, la bonne réputation des personnes concernées, ainsi que leur dignité. Une certaine confidentialité est toujours exigée dans le domaine pénal et ceci est encore garanti”. 

“Donc cela ne signifie pas que la documentation est rendue publique, mais plutôt que la collaboration avec l’État et avec d’autres organismes qui ont le droit d’accéder à cette documentation, est facilitée” a conclu le prélat.