Le Royaume-Uni soutient les opérations militaires israéliennes contre les Palestiniens (Fulvio Beltrami)

Au milieu de l’escalade de la violence entre Israël et la Palestine avec l’épicentre de la ville sainte de Jérusalem, le journal historique sud-africain Daily Marveck, dans sa rubrique «Declassified U.K.», révèle les relations militaires entre le Royaume-Uni et Israël, ignorées par les médias britanniques. Une enquête approfondie sur l’alliance qui comprend la formation militaire de soldats israéliens par des experts britanniques, des exercices conjoints, des accords de fourniture d’armes et une coopération en matière de renseignement entre les différents services secrets.

En mars dernier, la nouvelle stratégie militaire du Royaume-Uni déclarait clairement que ‘”Israël reste un partenaire stratégique clé“. Quelques mois avant cette déclaration, les deux pays ont signé un accord de coopération militaire. Ce qui est contenu dans l’accord est secret et n’a même pas été officiellement reconnu par le gouvernement britannique. Mais le groupe de pression israélien Bicom (le British Israel Communications and Research Center) a écrit que les deux armées « intègrent leurs capacités multi-domaines dans les champs maritime, terrestre, aérien, spatial, cyber et électromagnétique ».

L’enquête du Daily Marveck montre que la formation militaire est la pierre angulaire de cet accord. Un ministre britannique a révélé à l’équipe de journalistes d’investigation Declassified U.K que l’armée britannique dispensait une formation militaire à Israël grâce à l’Académie de la Défense dans l’Oxfordhire et HMS Collingwood, la plus grande école de formation de la Royal Navy. Les pilotes britanniques ont à leur tour reçu une formation dans le cadre d’un programme géré en partie par la compagnie d’armes israélienne Elbit Systems. Formation reconnue dans les bases de la Royal Air Force (RAF) au Royaume-Uni. En 2011, des soldats britanniques ont même été formés en Israël à l’utilisation de drones qui avaient été «testés sur le terrain sur des Palestiniens» lors de la guerre de 2009 à Gaza deux ans plus tôt.

La Grande-Bretagne a 10 soldats en Israël“, a déclaré le gouvernement au parlement l’année dernière. Le quotidien Marveck rapporte les déclarations d’un porte-parole du ministère britannique de la Défense qui rend compte de la présence beaucoup plus importante de militaires britanniques. Il parle de “troupes déployées à la fois en Israël et en Cisjordanie“. Des troupes, pas des soldats individuels.

Le même porte-parole a déclaré la présence d’autres officiers de l’armée à l’Ambassade britannique à Tel Aviv avec pour fonction la coordination et le soutien des troupes britanniques en Israël. Declassified U.K a également découvert récemment que deux soldats britanniques assistaient Mark Schwartz, le “coordinateur de la sécurité” américain pour Israël et l’Autorité palestinienne, qui utilise l’Ambassade de Jérusalem comme quartier général. La tâche de Schwartz n’a apparemment aucune logique: relier les forces de sécurité palestiniennes, un peuple sous occupation militaire, avec les Israéliens, qui imposent l’occupation. En fait, Schwartz mène des opérations d’espionnage pour le compte du gouvernement israélien.

En plus des soldats stationnés en Israël, l’armée britannique mène désormais des exercices réguliers avec les forces israéliennes. La RAF, en particulier, a intensifié son engagement avec Israël au cours des deux dernières années. En juin 2019, l’armée britannique a reconnu pour la première fois que ses avions de combat avaient mené un exercice conjoint avec leurs homologues israéliens, aux côtés d’avions américains. Quelques mois plus tard, l’armée de l’air israélienne a entrepris son premier déploiement d’avions de combat en Grande-Bretagne. Les avions de combat israéliens F-15 ont participé à un exercice de combat conjoint avec la RAF, tout comme les avions des forces aériennes allemandes et italiennes.

Tout aussi controversés – et encore une fois largement ignorés par les médias britanniques – étaient les exercices de la Royal Navy avec Israël. La politique est controversée étant donné le rôle joué par la marine israélienne dans le blocus de Gaza, qui est largement considéré comme illégal, car il inflige un «châtiment collectif» à toute une population. En août 2019, la Royal Navy a participé au plus grand exercice naval international jamais organisé par Israël, au large de la côte méditerranéenne. Cela fait suite à d’autres exercices navals impliquant les Britanniques et les Israéliens en novembre 2016 et décembre 2017.

Le Royaume-Uni et Israël achètent mutuellement des quantités importantes de matériel militaire. La Grande-Bretagne a autorisé des exportations d’armes vers Israël d’une valeur de plus de 400 millions de livres sterling depuis 2015. Les exportations de routine du Royaume-Uni comprennent des composants pour fusils d’assaut, pistolets, avions de combat, chars et radars. Les composants britanniques pour les drones et les avions de combat ont continué d’affluer alors qu’Israël utilisait ce matériel pour la surveillance et les attaques armées contre les Palestiniens.

Le Royaume-Uni fournit également des composants utilisés dans les équipements fabriqués aux États-Unis et exportés vers Israël, tels que des systèmes d’activation de missiles pour les hélicoptères Apache et des affichages tête haute pour les F-16. Les deux ont été utilisés pour bombarder des villes et des villages libanais et palestiniens.

Les chiffres officiels des exportations britanniques sous-estiment le total réel, car la Grande-Bretagne a tamponné plus de 30 «licences ouvertes» pour la vente d’armes à Israël au cours des cinq dernières années. Ces licences vous permettent souvent d’exporter une quantité illimitée d’équipements.

Après que le ministère britannique des Affaires Etrangères ait été contraint d’admettre au public en 2017 qu’il n’avait pas évalué l’impact sur la population palestinienne de ses exportations d’armes vers Israël, il a été constaté que le gouvernement de Londres n’applique pas de restrictions internationales sur «l’utilisation finale» de fournitures militaires. Ce ci  signifie que Israël est libre d’utiliser les armes achetées à la Grande-Bretagne à son gré.

L’industrie de guerre britannique fournit des composants militaires pour les bombardements aériens qui sont normalement utilisés par les forces de défense israéliennes dans leurs raids aveugles sur Gaza. La fourniture de composants pour les avions militaires ne s’est pas arrêtée même pendant le bombardement de 51 jours contre Gaza à l’été 2014, où plus de 2 200 civils palestiniens ont été tués.

L’achat d’armes est réciproque. L’armée britannique est un client majeur d’Elbit Systems, une société d’armement israélienne de premier plan avec neuf sites de fabrication ou bureaux au Royaume-Uni. L’une de ces filiales, à Shenstone, près de Birmingham, fabrique des moteurs de drones. Le ministère britannique de la Défense a passé huit commandes d’une valeur de près de 46 millions de livres sterling auprès d’Elbit depuis 2018.

Le plus gros des contrats – d’une valeur de 31 millions de livres sterling – concerne des équipements militaires de réalité virtuelle fabriqués par Ferranti Technologies, une filiale d’Elbit basée à Oldham, près de Manchester. Équipement important pour l’entraînement des unités d’infanterie et mécanisées et pour les pilotes d’avions militaires et le contrôle à distance des drones de surveillance et de combat.

En 2018, le spécialiste israélien des armures Plasan a été sélectionné par le Ministère de la Défense pour concevoir et fabriquer des protections blindées pour les nouvelles frégates britanniques «Type 26» construites par BAE Systems à Glasgow.

La fourniture d’armes à Israël ne se limite pas aux armes classiques mais aussi aux armes de destruction massive. Le gouvernement et l’industrie de guerre britanniques jouent un rôle de premier plan dans le renforcement des capacités nucléaires d’Israël, le seul pays du Moyen-Orient censé posséder des armes nucléaires. Le Royaume-Uni fournis régulièrement des composants pour les sous-marins nucléaires en Israël. Le Royaume-Uni, par triangulation, fournirait à Israël aussi du plutonium et de l’uranium pour produire des armes nucléaires.

On pense qu’Israël possède 80 à 400 ogives nucléaires de différents types: bombes aériennes, missiles de croisière et missiles balistiques à portée intermédiaire et intercontinentale. On pense que la première bombe atomique d’Israël a été achevée à la fin de 1966. Israël maintient une politique d’ambiguïté délibérée, ne niant ni n’admettant officiellement qu’il possède des armes nucléaires. Israël a également refusé de signer le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) malgré la pression internationale pour le faire, affirmant que cela serait contraire à ses intérêts de sécurité nationale. Les missiles balistiques à portée intermédiaire et intercontinentale constituent une menace directe pour la paix au Moyen-Orient, en particulier en Iran.

Selon des fugues d’informations parvenues au journal sud-africain, non confirmées ni démenties par le gouvernement israélien, l’utilisation des armes nucléaires fait partie de la stratégie militaire appelée «Samsone» de l’état-major des forces armées israéliennes qui prévoit l’utilisation du nucléaire en «dernier recours contre un pays dont l’armée a envahi ou détruit une grande partie du territoire. Israël ».

La fourniture de composants et d’armes nucléaires viole le droit international et contraste fortement avec l’opposition farouche du Royaume-Uni au programme nucléaire civil de l’Iran, car on craint que ce soit une couverture pour la recherche militaire. L’opposition se fonde sur le juste principe d’empêcher la prolifération de ces armes de destruction massive au Moyen-Orient. En réalité, la politique britannique est d’empêcher d’autres États du Moyen-Orient de posséder des armes nucléaires, préservant ainsi l’avantage d’Israël de pouvoir frapper d’autres pays sans danger de représailles nucléaires.

Le Royaume-Uni est également très actif en coopération avec le MOSSAD et la National Security Agency des États-Unis pour les opérations d’espionnage et renseignement contre les Palestiniens. Le Jerusalem Post a récemment écrit que “les relations entre les deux agences de renseignement (britanniques et israéliennes NDT) sont étroites et profondes“.

Des documents révélés par Edward Snowden en 2014 montrent que l’Agence américaine de sécurité nationale fournissait des données à son homologue, l’Unité nationale israélienne SIGINT (ISNU), qui était utilisée pour surveiller et cibler les militants palestiniens, militaires ou civils. Un partenaire clé de la NSA et de l’ISNU est l’agence britannique de renseignement électromagnétique, le quartier général des communications du gouvernement connu sous le nom de GCHQ, qui a fourni aux Israéliens des données de communication sélectionnées. En 2009, lors de l’opération israélienne « Plomb Durci » à Gaza qui a entraîné la mort de près de 1 400 personnes, dont 344 enfants, cela impliquait le partage d’informations sur les Palestiniens, selon les documents.

L’ancien directeur du M16, Richard Dearlove, a récemment noté que les services de renseignement britanniques ne peuvent pas garantir comment les services de renseignement israéliens utilisent cette collaboration. On soupçonne fortement que le gouvernement israélien mène un travail de lobbying clandestin pour empêcher le chef de l’opposition travailliste Jeremy CorbyN de devenir Premier Ministre en raison de son engagement déclaré à mettre fin à toute coopération militaire et à la fourniture d’armes et d’équipements à Israël.

En 2014, le gouvernement britannique a été traduit en justice pour son programme de vente d’armes à Israël. Le procès a été intenté par la campagne nationale Campaign Against Arms Trade (CAAT), représentée par le cabinet d’avocats Leigh Day. La CAAT a écrit au secrétaire britannique aux Affaires, Vince Cable, disant que le gouvernement agissait illégalement et que s’il refusait d’arrêter les exportations, un contrôle judiciaire de ses activités aurait été effectué.

Le porte-parole du CAAT, Andrew Smith, a écrit dans un récent communiqué de presse: «Nous entendons toujours parler de la force de la politique britannique de maîtrise des armements, mais cela montre à quel point elle est vraiment pauvre. Même le gouvernement a admise que des armes britanniques peuvent avoir été utilisées à Gaza. L’incapacité du Royaume-Uni à suspendre ces licences est tout simplement insuffisante. C’est une position très faible et sera considérée comme un signe de soutien politique pour le gouvernement et l’armée israéliens. ”

Malgré l’appel judiciaire et l’opposition persistante des associations britanniques et de la société civile, soutenues par le Labour Party (le Parti des travailleurs), la vente d’armes à Israël se poursuit et enregistre des records absolus.

 

 

Fulvio Beltrami