Le Tchad nationalise les champs et les actifs de la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil (Fulvio Beltrami)

“Tous les actifs et tous les droits de toute nature découlant des accords, permis de recherche, permis d’exploitation et permis de transport d’hydrocarbures de la société Esso Exploration et Production Chad Inc sont nationalisés.” lit un décret signé par le président tchadien Mahamat Idriss Déby.

Le décret a été fait pour contrer l’opération de pure spéculation menée le 9 décembre 2022 par la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil qui avait vendu les droits d’exploitation, les usines et les équipements détenus par la filiale (à participation française) au britannique Savannah Energy PLC Esso Exploration et Production Chad Inc. L’objet de la transition commerciale comprenait le gisement de Doba et une part importante de l’oléoduc Tchad-Cameroun qui permet le transport du pétrole brut jusqu’au port camerounais de Kribi. Avant l’opération spéculative, ExxonMobil avait atteint une production moyenne journalière de 29 349 barils et avait commencé des investissements pour augmenter substantiellement la production.

Le gouvernement tchadien avait immédiatement contesté cette spéculation financière, affirmant qu’elle avait été menée contre son avis et au mépris du “droit de préemption”. Le champ “Doba” et l’oléoduc Tchad-Cameroun constituent des actifs vitaux et souverains pour le Tchad, ils ne peuvent être mis en péril par une opération irrégulière”, a justifié son ministère du Pétrole après l’annonce de l’acquisition en décembre. L’affaire avait été portée devant la Cour internationale Chambre de commerce de Paris qui avait arbitré le 7 janvier en faveur de Savannah Energy.

Immédiatement après l’annonce de la nationalisation, Savannah Energy PLC a déclaré vouloir exercer tous ses droits légaux pour contester la décision du Tchad. “Les actions de la République du Tchad sont en violation directe des conventions commerciales internationales. Les accords sont soumis à la juridiction d’un tribunal de la Chambre de commerce internationale, basée à Paris, et la Société entend faire valoir tous ses droits légaux”, il est lit-on dans son communiqué de presse.

Le Tchad est devenu en 2003 l’un des pays africains producteurs et exportateurs de pétrole dont il est depuis devenu fortement dépendant. Les bénéfices des hydrocarbures représentaient 11,33% de son PIB en 2020, selon la Banque mondiale. Le Tchad, qui détient la dixième plus grande réserve d’Afrique, exporte 90 % de son pétrole.

La décision de nationalisation est une étape positive et importante pour la souveraineté énergétique nationale qui ne doit pas tenir compte des décisions des arbitres internationaux comme la Chambre de commerce internationale de Paris qui ne représentent que les intérêts prédateurs des multinationales occidentales. Pour résoudre le problème du manque d’expertise et de capitaux, le gouvernement tchadien devrait recourir au soutien de la Russie et de la Chine, tout en veillant à établir un partenariat équitable pour éviter de remplacer les anciens maîtres par de nouveaux.

Fulvio Beltrami