Les pires crises humanitaires oubliées en Afrique. Le rapport de la ONG britannique Care International

Les pires crises humanitaires oubliées en Afrique. Le rapport de la ONG britannique Care Internationa
L’organisation humanitaire britannique Care International a publié un rapport sur les pays en détresse extrême et ayant besoin d’une aide humanitaire. Le rapport est le fruit d’une collaboration entre l’ONG britannique et le service international de veille médiatique Meltwater. Le rapport se concentre uniquement sur les crises humanitaires oubliées ou ignorées par la communauté internationale.
Les crises humanitaires les plus sous-déclarées de 2021 mettent en lumière la profonde injustice qui affligent divers pays du tiers monde : l’indifférence des médias internationaux. Selon le rapport, les principaux facteurs de ces crises sont les conflits, le changement climatique et la pandémie de Covid19. Trois facteurs qui risquent d’anéantir des décennies de progrès, comme cela se produit déjà de manière irréversible en Éthiopie.
De l’Afghanistan à l’Éthiopie, quelque 235 millions de personnes dans le monde avaient besoin d’aide en 2021. Mais si certaines crises ont retenu l’attention du monde (comme celle de l’Éthiopie), d’autres sont moins connues.
Des études révèlent que le changement climatique s’impose progressivement comme le facteur le plus important car il diminue la production agricole et les réserves d’eau douce, créant de graves crises environnementales qui affectent les pays avec une forte injustice sociale, des gouvernements faibles et corrompus et un pourcentage très élevé de personnes pauvres et vulnérables qu’ils deviennent automatiquement les premières victimes de la crise climatique.
« Il y a une profonde injustice. Les plus pauvres du monde subissent de plein fouet le changement climatique – pauvreté, migration, faim, inégalités entre les sexes et ressources de plus en plus rares – bien qu’ils fassent le minimum pour y parvenir. Ajoutez à cela le Covid-19 et l’existence de conflits dans certains pays et nous voyons disparaître sous nos yeux des décennies de progrès dans la lutte contre les inégalités, la pauvreté, les conflits et la faim. » explique Chikondi Chabvuta, responsable de Care International pour le Malawi.
A un manque d’attention des médias internationaux s’ajoute un désengagement progressif des financiers. En 2022, le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire dans le monde devrait atteindre 270 millions. Malheureusement, on assiste à une baisse du PIB destiné par les bailleurs des fonds occidentaux à la solidarité internationale et à l’aide humanitaire. À titre d’exemple, le budget de l’aide étrangère du Royaume-Uni en 2021 a été réduit de 166 millions de livres sterling par rapport au budget 2019.
De nombreux gouvernements occidentaux se justifient en disant que les fonds sont nécessaires à leur pays pour contrer les effets dévastateurs du Covid19. Cette justification correspond à la réalité actuelle mais les gouvernements occidentaux hésitent à expliquer que les coupes substantielles dans l’aide étrangère ont commencé en 2018 et que la tendance diminue chaque année, révélant la décision de se désengager du sort et de la vie des autres.
Voyons brièvement la situation des pays africains évoqués dans le rapport de Care International.

Zambie
Première sur la liste, la Zambie compte 1,2 million de personnes sous-alimentées et environ 60% des 18,4 millions d’habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté international de 1,90 $ (1,40 £) par jour. Les femmes produisent 60 % de l’approvisionnement alimentaire du pays, mais les familles dirigées par des femmes ont des taux de pauvreté plus élevés que celles dirigées par des hommes. L’insécurité alimentaire en Zambie a été principalement attribuée à une sécheresse prolongée, mais la hausse des prix du maïs et les inondations y ont contribué.

Malawi
Le Malawi est confronté à une crise d’insécurité alimentaire, avec 17% de la population gravement sous-alimentée. Les sécheresses, les inondations et les glissements de terrain devraient s’aggraver dans les années à venir. Le cyclone Idai en 2019 a gravement affecté les cultures et déplacé des dizaines de milliers de personnes. « La crise climatique frappe les gens ici plus tôt et beaucoup plus durement que les gens de l’hémisphère nord », a déclaré Chikondi Chabvuta, responsable du plaidoyer de Care International au Malawi. “Nous constatons déjà des conséquences réelles avec des précipitations retardées, des précipitations abondantes et destructrices, des régimes de précipitations imprévisibles, des sols stériles, des récoltes détruites.” Cette crise a été ignorée par les médias internationaux.

République Centrafricaine
En République Centrafricaine (RCA), où la guerre civile a exacerbé la crise humanitaire, la moitié de la population est confrontée à l’insécurité alimentaire. Un accord de cessez-le-feu conclu en octobre 2021 est fragile et plus de 700 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, plus de la moitié sont des enfants.
La RCA se classe avant-dernière dans l’indice de développement humain à l’échelle mondiale. “En moyenne, un enfant va à l’école pendant un peu moins de quatre ans et les filles seulement trois ans”, indique le rapport. Environ 30% des enfants travaillent.
La cause principale est la guerre civile qui dure depuis décembre 2012. Le conflit depuis 2020 est aggravé par l’ingérence étrangère et la guerre par procuration que la France et la Russie mènent dans le pays africain en soutenant militairement, en armant les différentes factions belligérantes.

Burundi
Classé comme le pays qui a reçu le moins d’attention en 2020, le Burundi était septième en 2021 alors que 2,3 millions des 12,6 millions d’habitants avaient besoin d’une aide humanitaire. Le pays n’a obtenu que 27% des 195 millions de dollars promis d’aide. Le climat extrême, la faim et les troubles politiques faisaient partie des défis auxquels étaient confrontés les Burundais.
Dans un pays où 90 % de la population dépend de l’agriculture à petite échelle, seul un tiers des terres est propice à la culture, en raison des sécheresses, des inondations et des glissements de terrain. Le rapport a également mis en évidence une discrimination structurelle à l’égard des femmes : 20 % des membres des organes de décision du Burundi sont des femmes, tandis que 60 % de la main-d’œuvre agricole sont des femmes.
Le cas du Burundi est particulier. L’attention des médias internationaux a quasiment disparu depuis la mort du dictateur Pierre Nkurunziza en 2020. Les conditions dramatiques de 11,8 millions de personnes vivant dans le petit pays africain, otage d’une junte militaire corrompue fanatique et promoteur de la domination ethnique hutu, ne semblent pas faire plus de nouvelles. La baisse de l’aide humanitaire est causée par le régime. Les Bailleur des fonds occidentaux sont réticents à aider le Burundi depuis 2016, car ses dirigeants (y compris les régents) ont détourné des fonds d’aide vers leurs comptes bancaires étrangers à plusieurs reprises.
Enfin, la situation catastrophique actuelle à laquelle est confrontée la population burundaise est exclusivement due à la gestion antérieure du dictateur Nkurunziza et de l’actuelle junte militaire. Les deux directions se caractérisent par une corruption qui érode toutes les richesses nationales, par une violation systématique des droits humains et des exécutions extrajudiciaires politiques et ethniques qui ont déjà tué des dizaines de milliers d’innocents. La violation des droits de l’homme est la principale cause des sanctions économiques adoptées en 2016 par l’Union européenne.

Niger
Le Niger est profondément vulnérable aux catastrophes climatiques. Sécheresses persistantes et inondations récurrentes ont eu des conséquences catastrophiques : près de 3 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire. Environ 1,8 million d’enfants ont besoin d’une aide alimentaire et près de la moitié de tous les enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition.
Outre l’impact direct du changement climatique, la crise humanitaire est aggravée par la présence de groupes terroristes islamiques transfrontaliers (dont Boko Haram) opérant dans l’est et le nord du Niger. En 2021, les terroristes ont provoqué le déplacement de 313 000 personnes. “La fourniture de secours d’urgence est souvent entravée par le fait que les infrastructures sont détruites, les zones opérationnelles sont marquées par la violence et les zones rurales sont difficiles d’accès”, indique le rapport.

Zimbabwe
Le Zimbabwe connaît une grave insécurité alimentaire avec des conditions climatiques de plus en plus extrêmes et une mauvaise gestion économique qui obligent 6,6 millions de personnes à avoir besoin d’aide humanitaire. Plus d’un tiers de la population (5,7 millions) n’a pas assez de nourriture. De fortes pluies ont détruit les récoltes. « Les récoltes dans de nombreuses zones rurales sont insuffisantes pour assurer l’approvisionnement alimentaire de base et d’autres besoins. Dans ces régions, les ménages doivent compter sur les marchés locaux lorsque les stocks s’épuisent, mais les prix sont inaccessibles à beaucoup », indique le rapport.
Le rapport dans la langue d’origine peut être consulté sur le lien.

Fulvio Beltrami