Mgr Perlasca et les messages compromettants: le côté obscur du procès au Vatican qui a injustement condamné le cardinal Becciu (G.C.)

Il y a deux ans, le quotidien Domani avait déjà révélé les coulisses ayant conduit à l’ouverture, au Vatican, de l’enquête sur la gestion des fonds de la Secrétairerie d’État. Tout avait commencé par un mémoire signé par Mgr Alberto Perlasca, longtemps proche collaborateur du cardinal Giovanni Angelo Becciu, devenu ensuite son principal accusateur. Ce document fut le point de départ du « procès du siècle », qui s’est soldé en 2023 par la condamnation du prélat pour escroquerie et détournement de fonds. Mais déjà à l’époque, certains éléments suscitaient des doutes, et aujourd’hui de nouveaux faits émergent, jetant une lumière encore plus sombre sur l’ensemble de l’affaire judiciaire.

Lors des audiences, il est en effet apparu que le mémoire n’était pas entièrement le fruit de la réflexion autonome de Perlasca. Ce dernier a admis sous serment que de nombreux éléments lui avaient été « suggérés » par un magistrat anonyme. Deux jours seulement avant son témoignage, il a révélé l’identité de cette personne : Francesca Immacolata Chaouqui, lobbyiste déjà connue pour son implication dans l’affaire Vatileaks II, qui lui avait valu une condamnation à dix mois pour divulgation d’informations confidentielles.

La communicante a toujours attribué au cardinal la responsabilité du refus de la grâce par le pape François. Mais son rôle dans l’enquête devient encore plus troublant après les révélations de Genoveffa Ciferri, amie intime de Perlasca. Selon elle, c’est Chaouqui qui aurait poussé Perlasca à témoigner contre Becciu, elle-même influencée — selon les avocats du cardinal — par des figures institutionnelles telles que le promoteur de justice Alessandro Diddi et la direction de la gendarmerie vaticane, alors dirigée par Gianluca Gauzzi Broccoletti.

Diddi a toujours nié tout contact avec Chaouqui. Pourtant, après le premier interrogatoire de Perlasca — un entretien difficile, proche du faux témoignage — c’est lui qui a déposé au tribunal une sélection de messages reçus de Ciferri. Il s’agissait de 126 échanges, dont 119 furent classés secrets. Diddi ouvrit un nouveau dossier pénal sur cette correspondance, qui disparut ensuite sans laisser de trace. Ce même dossier permit paradoxalement à lui et au président du tribunal, Giuseppe Pignatone, de refuser à la défense l’accès complet aux conversations, invoquant de vagues « exigences de confidentialité ».

Ce n’est qu’aujourd’hui que Domani a pu consulter l’intégralité des échanges, non seulement ceux déposés au Vatican, mais aussi ceux présentés à l’ONU. Et leur contenu est troublant.

Les conversations entre Chaouqui et Ciferri commencent le 18 août 2020, treize jours avant que Perlasca ne signe le fameux mémoire. À 7 h 50 du matin, Chaouqui écrit : « Combien de fois cet argent a-t-il été envoyé pour la religieuse ? Comment Becciu justifiait-il l’envoi à Cecilia [Marogna] plutôt qu’à une organisation pour la libérer ? Demain, il faut lui faire évoquer les comptes personnels en Suisse et la Julius Baer ».

Ce sont exactement les sujets qui figureront dans le mémoire et lanceront l’enquête. Mais comment Chaouqui pouvait-elle les connaître si longtemps à l’avance ? Même Ciferri s’en étonne dans la conversation : « Fantastique comme tu obtiens ces indiscrétions ! En tout cas, je ne me permettrai jamais de te demander comment tu fais ni avec qui tu es en lien. Il me suffit de constater qu’elles sont 100 % véridiques».

Le 31 août 2020, Perlasca est attendu au tribunal pour son audition. Dix jours plus tôt, Chaouqui avait déjà anticipé : « Il recevra la convocation pour l’entretien du 31 à 10 h. Il y sera écrit qu’il peut en informer son avocat ».

Qui lui fournit ces informations ? Par quel canal peut-elle connaître à l’avance des documents officiels du tribunal ? Le 22 août, elle écrit une autre phrase troublante : « Un autre point d’intérêt pour les magistrats, concernant le détournement de fonds, concerne la gestion des dépenses de la Secrétairerie d’État… Ce sont des manques de plusieurs centaines de milliers d’euros ».
Des accusations qui ne seront formellement portées contre Becciu que quelques jours plus tard.

Les messages mentionnent également une rencontre connue entre Becciu et Perlasca dans le restaurant “Lo Scarpone”, sur le Janicule. Ce jour-là, le cardinal est enregistré à son insu par Perlasca. Le 3 septembre, avant le dîner, Ciferri écrit à Chaouqui : « Écris-moi bien ce que veulent les magistrats ».
La réponse est explicite : « Le cardinal tente encore de se construire un alibi. Il faut une preuve définitive de son infidélité. Un dîner bien orchestré pour obtenir une “confession” de Son Éminence serait précieux pour les enquêteurs ».

Les enregistrements du dîner — au cours duquel Perlasca lit le mémoire — seront ensuite envoyés à Chaouqui, qui dira les avoir fait écouter au pape avant le procès.

En novembre 2020, la lobbyiste écrit avec assurance : « Perlasca sera blanchi. Là-dessus, il n’y a aucun doute ».
Et elle ajoute que si Ciferri a besoin de quelque chose, elle peut parler avec Diddi ou la Gendarmerie. En janvier 2021, elle écrit : « Aujourd’hui, les interrogatoires ont lieu. Demain, je saurai ».
En mai, elle parle d’une rencontre où Diddi aurait rassuré Perlasca : « Nous voulons vous tenir à l’écart de cette histoire, Monseigneur ». Une phrase qui, selon Ciferri, aurait profondément ému l’ancien collaborateur de Becciu.

En juillet, on parle du déblocage des comptes bancaires de Perlasca. Ciferri demande des nouvelles. Chaouqui répond : « C’est Diddi qui s’en occupe ». Quelques semaines plus tard, Perlasca a de nouveau accès à ses fonds.

Mais la phrase peut-être la plus troublante arrive lorsque le scandale des messages omis commence à enfler. Chaouqui écrit :
« Il faut décider ce que tu dois dire. Pour éviter que les messages soient jugés crédibles si jamais on décidait de les déclassifier. Car dans ce cas, Becciu aurait raison. Il faut désamorcer la bombe. Pour moi, ce que j’ai dit au procès fait foi. Je ne connais pas Diddi. Si ça sort qu’on était tous d’accord, c’est fini ».

Giancarlo Cavalleri