Ne pas céder au découragement face aux guerres et à la misère qui progressent. François cite Martini: «On devient Église en servant les pauvres» (S.C.)

«Je le dis à l’Église, je le dis aux gouvernements des États et aux organisations internationales, je le dis à chacun et à tous : s’il vous plaît, n’oublions pas les pauvres. » Le pape François a conclu avec cet appel son homélie exigeante, aux tonalités apocalyptiques, prononcée à Saint-Pierre à l’occasion de la Journée mondiale des pauvres, célébrée par le Pontife avec cette messe dans la basilique et un déjeuner pour 1 300 indigents dans la salle Paul VI. « Nous voyons – a déclaré François, exprimant l’angoisse de tant de personnes qui assistent impuissantes aux massacres à Gaza et en Ukraine, ainsi qu’à l’hostilité envers les migrants que l’on veut expulser et refouler – le soleil s’obscurcir et la lune s’éteindre. Nous voyons la faim et la famine opprimer tant de frères et sœurs qui n’ont rien à manger ; nous voyons les horreurs de la guerre et les morts innocentes ; et, face à ce scénario, nous risquons de sombrer dans le découragement et de ne pas reconnaître la présence de Dieu au cœur du drame de l’histoire. Ainsi, nous nous condamnons à l’impuissance ; nous voyons croître autour de nous l’injustice qui provoque la souffrance des pauvres, mais nous nous rallions à la vague résignée de ceux qui, par commodité ou paresse, pensent que ‘le monde est ainsi’ et que ‘je ne peux rien y faire’. Alors, même la foi chrétienne se réduit à une dévotion inoffensive, qui ne dérange pas les puissances de ce monde et ne génère pas d’engagement concret dans la charité. »

« En cette Journée mondiale des pauvres, j’aime rappeler – a confié François – un avertissement du cardinal Martini : il disait que nous devons nous méfier de penser qu’il y a d’abord l’Église, déjà solide en elle-même, et ensuite les pauvres dont nous choisissons de nous occuper. En réalité, on devient l’Église de Jésus dans la mesure où nous servons les pauvres, car ce n’est qu’ainsi que l’Église devient elle-même, c’est-à-dire une maison ouverte à tous, lieu de la compassion de Dieu pour la vie de chaque homme. » Pour le Pape, il est nécessaire d’avoir une « mystique aux yeux ouverts » : « non pas une spiritualité qui fuit le monde mais, au contraire, une foi qui ouvre les yeux sur les souffrances du monde et sur les misères des pauvres, pour exercer la même compassion que le Christ. Et nous ne devons pas nous limiter aux grands problèmes de la pauvreté mondiale, mais au peu que chacun peut faire chaque jour : par nos styles de vie, par l’attention et le soin que nous portons à l’environnement dans lequel nous vivons, par la quête tenace de la justice, par le partage de nos biens avec les plus pauvres, par l’engagement social et politique pour améliorer la réalité qui nous entoure. Cela peut nous sembler peu, mais notre peu sera comme les premières feuilles qui poussent sur le figuier : une annonce de l’été déjà proche. »

« Alors qu’une partie du monde est condamnée à vivre dans les bas-fonds de l’histoire, alors que les inégalités s’accroissent et que l’économie pénalise les plus faibles, alors que la société se consacre à l’idolâtrie de l’argent et de la consommation, il arrive que les pauvres et les exclus ne puissent rien faire d’autre que de continuer à attendre », a confié François, évoquant Jésus qui « au milieu de ce tableau apocalyptique, allume l’espérance, ouvre l’horizon, élargit notre regard pour que nous apprenions à saisir, même dans la précarité et la douleur du monde, la présence de l’amour de Dieu qui s’approche, ne nous abandonne pas, agit pour notre salut ».

« Sur le Calvaire, a-t-il commenté, le soleil s’obscurcira et les ténèbres descendront sur le monde, mais à ce moment précis, le Fils de l’homme viendra sur les nuages, parce que la puissance de sa résurrection brisera les chaînes de la mort, la vie éternelle de Dieu surgira de l’obscurité du tombeau et un monde nouveau naîtra des décombres d’une histoire blessée par le mal. Telle est l’espérance que Jésus veut nous transmettre ». « Nous aussi », a conclu François, »nous sommes appelés à lire les situations de notre histoire terrestre où il semble n’y avoir qu’injustice, douleur et pauvreté, précisément à ce moment dramatique, le Seigneur s’approche pour nous libérer de l’esclavage et faire briller la vie. C’est nous, ses disciples, qui, grâce à l’Esprit Saint, pouvons semer cette espérance dans le monde ».

S.C.