“L’intérêt de quelques entreprises puissantes ne doit pas prendre le dessus sur le bien de l’Amazonie et de l’humanité toute entière”, clame le Pape François dans l’Exhortation apostolique “Chère Amazonie”, un document rendu public le 12 février par le Vatican à la suite du Synode des évêques sur l’Amazonie en octobre dernier, et qui s’inscrit dans la continuité de “Popolorum Progressio” de Paul VI et de “Laudato si’”, l’Encyclique “verte” de François.
Concernant la proposition des pères synodaux d’ordonner des hommes mariés et des femmes diacres, le Pape a en revanche choisi de repousser cette possibilité. Ni un refus, ni une validation. François préfère rester prudent et se donner le temps, préservant ainsi l’unité de l’Eglise divisée sur ce délicat thème du célibat des prêtres entre traditionalistes et progressistes. Des tensions notamment remarquées au moment de la polémique autour du livre du cardinal Robert Sarah, dans lequel le pape émérite Benoît XVI fait un plaidoyer en défense du célibat et critique ouvertement une ouverture aux prêtres mariés.
Sur ce sujet, pour répondre au manque de prêtres dans les régions reculées d’Amazonie, François a proposé plusieurs solutions : y faire revenir les très nombreux religieux originaires d’un des neuf pays qui composent l’Amazonie qui ont quitté la région pour les Etats-Unis ou l’Europe, demander aux évêques d’être généreux pour y renvoyer des missionnaires, créer un clergé indigène, inexistant des les zones amazoniennes alors que le christianisme y est implanté depuis 500 ans, prier pour que des vocations naissent sur place. Mais aussi, continuer à s’appuyer sur le rôle essentiel des laïcs et des femmes.
Justice sociale et protection de la planète
Dans ce texte d’une trentaine de pages, le Pape François a tenu a préciser que son Exhortation “ne remplace, ni ne répète” le Document final des évêques, une synthèse des conclusions de l’assemblée de prélats votées et validées point par point. Ne citant pas une seule fois le Document final dans l’Exhortation, le Pape invite ainsi à lire intégralement ce texte auquel ont participé “tant de personnes qui connaissent mieux que moi ou la Curie romaine les problématiques de l’Amazonie, parce qu’elles y vivent, y souffrent, et l’aiment avec passion” explique le Souverain pontife.
Par ailleurs, le texte apostolique dénonce avec force l’exploitation colonialiste de l’environnement et des populations indigènes. Les trois quart du document, entre-coupé de poèmes, sont ainsi dédiés à ce qui tient le plus à coeur au Pape: la défense de justice sociale et la protection de la planète. François y fait même un véritable mea culpa : “je demande humblement pardon, non seulement pour les offenses de l’Eglise, mais aussi pour les crimes contre les peuples indigènes lors de la ‘conquête de l’Amérique’ et toutes les atrocités qui ont suivi. (…) Et nous ne pouvons pas nier que même des membres de l’Eglise ont participé à la corruption, jusque, parfois, accepter de garder le silence en échange d’un soutien financier pour leurs oeuvres ecclésiales”.
L’Exhortation est divisée en quatre rêves du Pape pour l’Amazonie : social, culturel, écologique, ecclésial. Cette Exhortation, pour la première fois titrée, non en latin, mais en espagnol, “Querida Amazonia” (“Chère Amazonie”), est un appel du Saint-Père à une conversion écologique, et à une “approche sociale” pour apprécier le bon mode de vie des indigènes, mettant en garde contre le “conservationnisme” qui ne préoccupe que de l’environnement, non de l’homme.
Le mal de la corruption
Rappelant que Benoît XVI avait déjà dénonce “la dévastation de l’environnement amazonien”, François a dénoncé l’asservissement subi par les peuples autochtones, de la part de pouvoirs locaux ou extérieurs. Il accuse sans détour d'”injustice et de crime” ceux qui, par leurs investissements économiques, alimentent les destructions, les meurtres, la corruption. Citant Jean-Paul II, il réaffirme que la mondialisation ne doit pas devenir un nouveau colonialisme. Le Pape a aussi pointé du doigt le mal de la corruption qui affaiblit l’Etat et ses institutions.
Face à tant d’injustice, le Souverain pontife appelle à “s’indigner et à demander pardon”. Il rêve de “réseaux de solidarité et de développement” et appelle tout le monde, y compris aux leaders politiques, à l’engagement.
Le Pape s’est enfin penché sur le “sens communautaire”. Les peuples amazoniens, qui tissent des relations humaines “imprégnées par la nature qui les entoure”, vivent comme un véritablement “déracinement” toute “obligation d’émigrer en ville”. Il souhaite que l’Amazonie devienne “un lieu de dialogue social”, avant-tout avec “les plus pauvres”, pour que la voix des pauvres soit “la voix la plus puissante” d’Amazonie.