Le fait que l’agence principale russe TASS, simultanément à l’annonce de l’attaque ukrainienne contre le port de Sébastopol en Crimée, ait publié comme nouvelle importante que le Métropolite orthodoxe Jonafan a été libéré à Kiev grâce à l’engagement et à la médiation du Pape François, à la demande du Patriarche russe Kirill, parle des réalités parallèles de la guerre en Ukraine.
Cela parle d’une réalité qui cherche, avec patience et contacts avec les parties en conflit à divers niveaux, à ouvrir un espace pour réduire les tensions et éventuellement négocier la paix, et d’une autre réalité qui encourage clairement la continuation des conflits, sans une vision claire de comment cela pourrait se terminer, supposé que l’on pense à la fin du conflit.
Sans doute, la première réalité, celle qui cherche un moyen de mettre fin à cette terrible guerre, est aujourd’hui représentée, entre autres acteurs, par le Pape François et le Saint-Siège.
De leur engagement, depuis le début du conflit, pour qu’aucune porte au dialogue ne soit fermée et pour qu’on invoque constamment la paix, j’ai écrit à plusieurs reprises depuis 2022.
Ce qui attire maintenant l’attention, ce sont certains événements, messages et documents qui se sont produits ces derniers jours et qui ouvrent de nouvelles perspectives dans cette action multidimensionnelle du Saint-Siège envers les principaux acteurs du drame mondial actuel. Cette action multidimensionnelle couvre à la fois les aspects séculiers et spirituels de ces activités, aspects dans lesquels le Saint-Siège se présente au monde.
Pour la première fois dans l’histoire, avec sa présence au sommet du G7, la rencontre des nations les plus riches de l’Occident, le Pape François, en tant que leader moral de cette partie du monde, avec le titre ancien et nouveau de “Patriarche de l’Occident”, a eu quelque chose à dire à ceux qui sont politiquement responsables de l’avenir de l’homme occidental.
Dans son important discours sur l’intelligence artificielle lors de la rencontre mentionnée, le Pontife a souligné que le développement technologique n’a de sens que s’il reste un outil pour le développement de l’homme en tant qu’être libre, à qui Dieu a confié la Terre pour en prendre soin et la gérer. La liberté et la dignité de l’homme, l’amour mutuel et le dialogue ne doivent pas être menacés par un développement incontrôlé et débridé de l’intelligence artificielle, qui deviendra une fin en soi et transformera l’homme, aliéné des autres et de la finalité de son existence, en un simple outil, dans un monde dangereux dominé par des machines au service du profit.
Le désir de tous les leaders du G7 de rencontrer et de parler avec le Pape François indique que la force de son autorité morale et de ses paroles reste un facteur important dans la création de l’avenir du monde occidental. Nous ne pouvons exclure la possibilité que la libération mentionnée du Métropolite Jonafan ait été l’un des sujets de conversation entre le Pape François et le président ukrainien Zelensky.
Pratiquement simultanément à cet événement, une conférence sur la paix en Ukraine se tenait en Suisse, comme l’ont appelé les organisateurs. Sans entrer maintenant dans l’analyse si quelque chose peut être défini comme une conférence sur la paix lorsque l’une des parties en conflit n’y participe pas, il est évident que probablement pour cette raison le Saint-Siège n’a pas soutenu la déclaration finale de cette conférence. Ses conclusions ne peuvent en aucun cas contribuer aux plateformes de départ pour une véritable négociation de paix, car dans leur unilatéralité, elles ont provoqué une unilatéralité similaire russe dans l’offre de paix de Moscou, sans qu’aucune des parties intéressées et belligérantes ne se soit assise à la table des négociations.
On peut comprendre qu’on ait une position de soutien inconditionnel à une partie en conflit, mais ce soutien existait également avant cette conférence. Il est intéressant de noter que ceux qui ont soutenu cette déclaration n’ont pas critiqué le Saint-Siège pour sa position, bien qu’ils aient principalement condamné les pays membres des BRICS, qui étaient absents de la conférence, comme la Chine, ou ne voulaient pas adhérer aux conclusions de cette réunion, comme l’Inde ou le Brésil. D’autre part, il y a la position du Patriarche œcuménique Bartholomée, qui a soutenu la déclaration, suscitant des condamnations non seulement de la Russie, mais aussi de la Turquie, démontrant clairement qu’il a un rôle précis dans ce conflit et dans le jeu autour de l’Ukraine.
Tout cela parle d’une position indépendante du Saint-Siège, qui comprend parfaitement que le chemin vers la paix ne peut être construit sans dialogue avec Moscou. Et quand nous disons Moscou, nous ne nous référons pas seulement au gouvernement du Kremlin, mais aussi à l’Église orthodoxe russe, avec son rôle important dans la société russe et l’État, ainsi qu’avec son rôle d’Église orthodoxe la plus influente et la plus grande.
Outre cette médiation pour la libération du Métropolite, il y a certainement aussi d’autres messages très importants que le Vatican a envoyés ces derniers jours non seulement à ses fidèles catholiques, mais aussi aux autres Églises chrétiennes, surtout celle orthodoxe.
Comme beaucoup de choses se sont produites pour la première fois pendant le pontificat du Pape François, comme la présence déjà mentionnée au sommet du G7, ainsi pour la première fois pendant son séjour sur la chaire de Saint Pierre est apparu un document qui aborde un thème très délicat et difficile pour les relations au sein de tout le christianisme. Pour la première fois depuis 2013, le Saint-Siège aborde le thème du primat de l’évêque de Rome précisément dans un document intitulé “Évêque de Rome”. Sans entrer dans les détails de ce document extrêmement important pour le pontificat du Pape François, je veux souligner un fait très important qui, en vue du grand jubilé des 1700 ans du premier concile œcuménique de Nicée, offre une nouvelle lecture du primat papal à toutes les Églises chrétiennes. Une nouvelle lecture en ce temps, et dans l’esprit du premier millénaire de l’unité chrétienne. Certainement, ce document ne s’appelle pas par hasard “Évêque de Rome”, car justement à cette époque de communion, le primat de l’évêque de Rome était généralement accepté.
Ceci est avant tout un message et une invitation au dialogue adressé au monde orthodoxe et à Moscou. Comment trouver un modèle de communion universelle de tous les chrétiens et de leur action commune dans un monde de plus en plus dangereux, où non seulement la foi chrétienne et les valeurs chrétiennes sont menacées, mais aussi la survie même de l’humanité ?
Il est clair que 2025, l’année du jubilé de l’unité de la foi de Nicée, est une grande opportunité pour réfléchir à l’avenir de l’Église chrétienne à travers le dialogue dans l’amour, l’ouverture et la compréhension mutuelle, qui nécessite une nouvelle forme d’unité.
Avec l’engagement infatigable pour la paix depuis le début du conflit en Ukraine, en gardant les portes du dialogue ouvertes avec la Russie et la Chine, en s’ouvrant à d’autres centres spirituels lors de ses voyages dans le monde islamique, en soulignant la nécessité de dialogue et de respect mutuel entre toutes les personnes et les nations, le Pape François reconnaît clairement les changements dramatiques dans le monde, qui, en plus de leur dimension imprévisible et dans certains aspects dangereuse du développement technologique, ont également pour résultat le fait que le monde devient multipolaire et divisé.
Cette multipolarité du monde nécessite une nouvelle diplomatie mondiale qui exige patience et un travail dévoué à petits pas, et qui doit rejeter toute exclusivité, si l’on veut trouver un modèle pour éviter une guerre totale qui frappe à nos portes. Une guerre que malheureusement certains semblent désirer, non seulement pour arrêter ce processus de redistribution du pouvoir mondial, mais aussi pour changer l’homme lui-même et son but dans ce monde.
Dans un monde aussi complexe, le christianisme a sans doute besoin d’une coordination interne plus forte, pour rendre ses vérités éternelles plus compréhensibles à l’esprit de ce temps.
À une époque où le monde n’est plus seulement occidental, comme il ne sera pas seulement oriental.
À une époque où le monde est dangereusement divisé, et les parties divisées de ce monde sont éloignées les unes des autres dans une incompréhension et une compétition de plus en plus dangereuses.
Le Saint-Siège et le Patriarche de l’Occident, le Pape François, ont envoyé des messages plus que clairs à plusieurs niveaux à tout le monde oriental.
Prions Dieu de donner à tous la sagesse de lire attentivement.
Jovan Palalić
Membre du Parlement Serbe