Documenter les exactions au CPR a coûté la vie au jeune tunisien Wissem Abdel Latif. Tué en tant que Regeni

Le jeune tunisien Wissem Abdel Latif, retrouvé mort après avoir été attaché à un lit de contention à l’hôpital San Camillo de Rome, a voulu documenter les violations des droits humains dans le CPR de Ponte Galeria avec son smartphone. Pour ces vidéos, tournées secrètement avec le téléphone portable sauvé de l’enlèvement à l’entrée du CPR, Abdel aurait été tabassé par les agents. Les coups à l’intérieur du CPR auraient eu lieu entre le 18 et le 23 novembre.

Puis hospitalisation et plus tard décès. Mais Abdel, avant sa mort, a dénoncé les conditions dans lesquelles vivent les migrants dans le Centre de rapatriement de Ponte Galeria à travers les deux vidéos envoyées à un ami en Italie qui, probablement, lui ont coûté les coups par au moins un agent. Peut-être – au moins trois témoins le disent à la République – parce qu’il a été retrouvé avec ce téléphone portable à la main. La première vidéo a été envoyée le 14 octobre, racontant à son ami rencontré sur Facebook qu’il avait « voyagé avec trois agents à bord. Dieu seul sait ce qu’ils nous ont fait. Ils ont pris nos téléphones portables, tout. Nous avons faim, nous sommes dans un état que Dieu seul connaît, nos familles sont sans nouvelles de nous. Veuillez nous trouver quelqu’un. Un avocat, quelqu’un pour nous aider”. C’est l’appel du joueur de 26 ans, lancé dans la première vidéo.

Nous avons entamé une grève de la faim. Nous ne mangeons rien », a expliqué Abdel dans la deuxième vidéo. Le 1er octobre, il monte à bord d’un canot pneumatique pour rejoindre la Sicile avec 68 autres Tunisiens. Puis il fut emmené à Rome. « Nous n’étions pas menottés dans notre pays pour être menottés ici. Où sont les droits de l’homme ? Nous ne comprenons pas? Tout n’est que mensonge ». Abdel a alors dénoncé : « Je prends le risque de vous montrer la vérité. Je prends un risque. Je vis quelque chose que je veux montrer. Dieu seul sait. Ceci est mon témoignage. Nous sommes déterminés à poursuivre la grève. Nous ne voulons pas de rapatriement. Nous sommes prêts à mourir. Ils peuvent emporter nos cadavres ». Pour dire cette vérité qui dérange sur la fin d’Abdel Latif – dont la fin semble très similaire au martyre de Giulio Regeni en Egypte et à celui de Stefano Cucchi à Rome – est l’ami qui avait réussi à lui trouver un avocat de Gênes et avait mis le migrant en contact avec elle. Le témoignage du jeune homme, qui se trouve désormais en France après s’être échappé du CPR, ne laisse aucune place à l’interprétation : “Ils lui ont donné des médicaments neurologiques (…) les six derniers jours, il a été transporté à l’hôpital et est décédé la nuit dernière. D’après ce que l’avocat a dit, ils lui auraient donné le mauvais médicament. Ils ont recours à la médecine neurologique pour plusieurs détenus », explique un collègue immigré d’Abdel qui a obtenu des nouvelles de ce qui se passe au CPR par « un avocat ». Ce dernier, explique l’ami d’Abdel, a déclaré “que les détenus sont battus et violés, même le Coran a été jeté à terre et piétiné, les immigrés sont insultés”. Et encore : « une nourriture qui était auparavant complètement immangeable est maintenant pire, elle est périmée ». Le garçon a ensuite déclaré qu’Abdel avait été emmené hors du centre pendant six jours, à l’insu de ses compagnons et de sa famille. Précisément à ce dernier, le jeune homme qui s’est enfui en France adresse une pensée : « Wissem, le pauvre garçon n’a pas de frères (…) il n’a qu’une sœur et je ne peux imaginer l’état de sa mère (…) qui trouve paix”. Et puis il lance un appel : “Espérons que quelqu’un saura faire entendre sa voix”.

Source : Repubblica e Riformista