RDC. La situation s’est aggravée. Fusillade entre soldats congolais et casques bleus de l’ONU à la frontière avec l’Ouganda (F. Beltrami)

Hier dimanche 31 juillet en début d’après-midi, une unité d’élite des casques bleus de la mission de maintien de la paix de l’ONU au Congo, appartenant à la Brigade des Forces d’Intervention, a ouvert le feu sur des militaires et policiers congolais à la douane de Kasindi, dans le territoire de Beni, frontière entre le Congo et l’Ouganda.

Dans une vidéo de l’incident partagée sur les réseaux sociaux, on voit des Congolais, au moins un en tenue de police et un autre en tenue militaire congolaise, avancer vers le convoi immobilisé de l’autre côté de la barrière fermée à Kasindi. Après un échange verbal, on voit les Casques bleus tirer des coups de feu, avant d’ouvrir la barrière et d’entrer au Congo. Joël Kitausa, leader de la société civile à Kasindi rapporte que le bilan est de deux morts et 14 blessés parmi les Congolais. Aucune victime parmi les casques bleus.

Le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, Bintgou Keita, confirme que l’incident s’est produit “pour des raisons inexplicables”. Selon la version de la MONUSCO, le convoi était composé de casques bleus revenant d’un congé en Ouganda que les autorités congolaises ont empêché de retourner au Congo. Après une discussion brève mais animée, les casques bleus ont ouvert le feu avec des mitrailleuses lourdes.

« La Représentante spéciale du Secrétaire Général de l’ONU, Madame Bintou Keita, est profondément choquée et consternée par ce grave incident. Il présente ses plus attristées condoléances aux familles des victimes et souhaite un prompt rétablissement aux blessés. Face à ce comportement indicible et irresponsable, les auteurs de la fusillade ont été identifiés et arrêtés dans l’attente des conclusions de l’enquête déjà lancée en collaboration avec les autorités congolaises. Des contacts ont également été établis avec le pays d’origine de ces militaires pour que des poursuites judiciaires puissent être engagées en urgence avec la participation des victimes et des témoins, afin d’adopter dans les meilleurs délais des sanctions exemplaires”, lit-on dans un communiqué publié par la MONUSCO.

Cet incident s’est produit alors que le Sous-Secrétaire Général des Nations Unies pour les opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, était à Kinshasa depuis le samedi 30 juillet où il a eu un entretien avec le président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit “indigné” par la fusillade. Il a souligné “avec la plus grande fermeté la nécessité d’établir les responsabilités dans ces événements” et approuvé “la détention des militaires impliqués dans cet incident et l’ouverture immédiate d’une enquête”, a déclaré un porte-parole adjoint du secrétaire général dans un communiqué. Farhan Haq.

Quelles qu’en soient les véritables raisons et dynamiques, cet incident frontalier représente un cadeau inespéré pour les instigateurs des violences de la semaine dernière contre les bases de la MONUSCO de Goma et Butembo qui ont causé la mort de 12 Congolais, les blessés de 80 autres et l’assassinat à sang-froid de 3 casques bleus par des tireurs d’élite, appartenant probablement au groupe terroriste rwandais FDLR.

La faction mobutiste qui contrôle en coulisse le gouvernement à Kinshasa, l’état-major de l’armée congolaise et la direction politique militaire des terroristes FDLR ont déjà activé leurs « petits », pions : les deux associations de jeunes xénophobes du Nord-Kivu célèbres pour leurs messages de pure haine ethnique contre les Tutsis et le Rwanda : Lucha et Veranda Mutsanga.

Des sources locales craignent que de nouvelles manifestations contre la MONUSCO ne soient organisées demain au Nord-Kivu ainsi qu’au Sud-Kivu. L’incident frontalier a galvanisé les extrémistes de Lucha et Veranda Mutsanga qui sont désormais hyper actifs sur les réseaux sociaux pour attiser la haine ethnique et inciter la population à s’en prendre aux casques bleus. Les messages de paix et les tentatives d’apaisement des esprits faites par des membres de la société civile qui se soucient vraiment du sort du pays et par l’Église Catholique sont peut-être désormais inaudibles.

Avant l’incident de Kasindi, un communiqué anonyme a été publié sur WhatsApp appelant la population du Nord-Kivu à empêcher la circulation des véhicules de la mission de maintien de la paix de la MONUSCO et de toutes les agences de l’ONU. Le communiqué appelle également à ce que la guerre contre la MONUSCO se poursuive indéfiniment jusqu’à son départ du pays, l’accusant d’être complice du groupe armé tutsi M23 et du Rwanda. Les experts militaires étrangers pensent que le communiqué a été publiée par les terroristes rwandais FDLR et diffusé par les deux organisations xénophobes de la jeunesse du Nord-Kivu.

Fulvio Beltrami