Quel est l’avenir du Soudan après la démission du leader civil Hamdok?

Gibril Ibrahim, chef du groupe armé JEM et actuel ministre des Finances, pourrait être le prochain Premier Ministre.
L’accord entre le Premier Ministre Abdalla Hamdok et la junte militaire après le coup d’État d’octobre et son arrestation visait à créer un nouveau gouvernement de transition comme un simulacre de démocratie mais sous le contrôle total des militaires. Le projet a échoué en raison de l’opposition populaire qui a manifesté son refus de ce sale jeu dans les rues. La pression populaire a contraint Hamdok à démissionner de son poste de Premier Ministre dimanche 2 janvier.

Diverses sources sur place et au sein du monde diplomatique font état de la possibilité que la junte militaire de Khartoum choisisse le chef du mouvement armé Mouvement du Darfour pour la justice et l’égalité (MJE): Gibril Ibarhim actuellement Ministre des Finances. Ibrahim est un loyaliste des Généraux soudanais mais entravé par la population. Un gouvernement sous sa direction sera entièrement contrôlé par l’armée et très impopulaire.

Maintenant, nous nous interrogeons sur l’avenir du pays. Un avenir inséré dans la situation très délicate et instable de la région de la Corne de l’Afrique qui voit l’Éthiopie le théâtre d’une horrible guerre civile et la Somalie victime d’une grave crise politique du gouvernement qui pourrait déboucher sur un énième conflit somalien.

Nous publions la traduction d’une intéressante analyse publiée sur le site d’information turc TRTWorld fondé à Istanbul en 2002. TRTWorld fournit un service d’information en langue anglaise qui fournit à l’opinion turque et internationale de nouvelles perspectives sur les événements mondiaux.

L’analyse est ouvre du Monsieur Khalid Mustafa Medani, un professeur de sciences politiques soudanais qui est également président du programme d’études africaines à l’Université McGill.
What’s next for Sudan after civilian leader Hamdok’s resignation?? (Quel est l’avenir du Soudan après la démission du leader civil Hamdok)

Le Soudan est l’un des États les plus pauvres d’Afrique et a été dirigé par un gouvernement militaire pendant une grande partie de son existence depuis son indépendance du gouvernement conjoint anglo-égyptien en 1956. Mais depuis la révolte de 2019 contre le gouvernement de l’ancien dictateur Omar al Bashir, les forces d’opposition du pays, qui ont organisé des manifestations à travers le pays, ont fait preuve d’une résilience inattendue pour maintenir la révolution en vie malgré les efforts de l’armée pour s’emparer de tout le pouvoir.

Fin octobre, le plus haut Général du pays, Abdel Fattah al Burhan, a lancé un nouveau coup d’État contre le gouvernement civil de transition d’Abdalla Hamdok. Le coup d’État a eu lieu juste un mois avant que Burhan ne laisse son poste de chef du Conseil Souverain à un civil en vertu de l’accord de partage du pouvoir en août 2019.
Le Conseil Souverain est une structure politique provisoire dotée de nombreux pouvoirs, dont la nomination du Premier ministre. Dès que le coup d’État a eu lieu, les gens sont descendus dans la rue pour protester contre l’intervention militaire de Burhan. Confronté aux protestations incessantes, Burhan a approché Hamdok, l’homme que son coup d’État a renversé, pour le persuader de revenir au pouvoir.

Hamdok est revenu au poste de Premier Ministre après avoir signé un accord controversé avec Burhan, qui promettait de libérer tous les prisonniers politiques. (Cet accord n’a jamais été officiellement divulgué NDT) Mais l’accord a laissé le rôle de l’armée dans la structure politique du pays peu clair, suscitant de nouvelles protestations. Sous la pression des manifestants dimanche, Hamdok a démissionné alors qu’une répression de l’armée a tué des dizaines de personnes.

“Le Général Burhan devrait annoncer un nouveau Premier Ministre. Tout le monde attend de voir qui sera cette personne. Le prochain Premier Ministre sera probablement Gibril Ibrahim, qui est le leader du Mouvement du Darfour pour la justice et l’égalité (MJE)”, a déclaré Khalid Mustafa Medani, professeur de sciences politiques soudanais, qui est également président du programme d’études africaines à l’Université McGill.
Medani, qui avait précédemment prédit qu’il serait trop difficile pour Hamdok de rester au pouvoir grâce à son accord avec Burhan, est actuellement à Khartoum, observant les manifestations. Medani dit que “Gibril Ibrahim du JEM est très opposé par la majorité du peuple soudanais”, en raison de ses liens avec l’ancien régime de Bashir.

Le leader du Mouvement pour la justice et l’égalité, le Dr Gibril Ibrahim a été ministre des Finances sous le gouvernement d’Abdalla Hamdok. Il pourrait être le prochain Premier ministre, selon les experts. Si Ibrahim, proche de certains milieux islamistes soudanais, s’il devait être porté au pouvoir, il n’est pas certain qu’il puisse stabiliser le Soudan.

“Gibril Ibrahim, en particulier, constituerait l’un des obstacles à la pacification, à la stabilisation et à la démocratisation. Les dirigeants des principaux partis politiques devraient accepter un gouvernement non partisan et technocratique. Hamdok, un homme de grand prestige dans les cercles internationaux, tentait de diriger un tel gouvernement technocratique jusqu’au coup d’État du 25 octobre. Mais il a clairement échoué. Maintenant, les élites se disputent des sièges et se battent pour leurs intérêts aux dépens de la stabilité du pays. Je pense que la nature conflictuelle des élite partisans a fait du mal au pays”, estime Abdo Mukhtar Musa, professeur soudanais de sciences politiques à l’université islamique d’Omdurman.

Alors que certains Soudanais pensent que le pays se dirige vers la guerre civile, Medani dit qu’il n’y aura pas de chaos complet. “Je pense qu’il ne fait aucun doute que Burhan dans l’armée se dirige vers la consolidation du gouvernement militaire.”

Mais après avoir longtemps dirigé le pays seul, l’armée se heurte à de sérieux obstacles pour consolider son pouvoir et la démission de Monsieur Hamdok était un signe de sa faiblesse, selon Medani.
Tous les civils auxquels les Généraux ont proposé la position supérieure du pays, qui dans le passé était probablement le travail de rêve de nombreux politiciens et militants soudanais, ont décliné l’offre, d’où le choix de l’armée de mettre Gibril aux commandes en tant que Premier Ministre semble évident.
Il y a un autre problème sérieux auquel sont confrontés les Généraux: une crise économique qui s’aggrave. Ils ont besoin de quelqu’un comme Hamdok, un ancien fonctionnaire de l’ONU, pour attirer l’aide internationale afin d’atténuer la récession économique du pays. Les manifestations en cours vont aggraver la situation économique, mais de nombreux jeunes, qui ont longtemps souffert du chômage et des bas salaires, pensent qu’ils n’ont rien à perdre.

Lutte pour le contrôle du processus électoral
Bien que les manifestants comprennent que l’armée utilisera des méthodes plus “brutales”, ils sont également conscients qu’ils ne peuvent pas revenir à l’ancien statu quo. Par conséquent, ils s’opposent aux partenariats et aux négociations proposés par la junte militaire et nient toute légitimité politique à l’armée.

À l’instar du coup d’État égyptien d’Abdul Fattah el Sisi, l’armée soudanaise vise à dominer la période de transition et à contrôler le processus électoral pour s’assurer qu’un homme politique pro-armée accède au pouvoir. C’est la principale raison pour laquelle ils ont lancé le coup d’État en octobre, empêchant un civil de diriger le Conseil Souverain sur la route des élections de 2023. En vertu de l’accord de partage du pouvoir civil-militaire, un civil devait remplacer le chef du conseil de Burhan en novembre.

“Au Soudan, contrairement à l’Égypte ou à d’autres pays, l’armée n’est pas assez puissante pour exercer une pleine consolidation du pouvoir. Ce qu’ils recherchent, c’est de coopter certains groupes de la société civile, y compris les partis politiques, pour consolider leur pouvoir jusqu’aux élections de l’année prochaine”, explique Medani.

Mais tous les partis politiques et groupes de la société civile sont conscients de la stratégie électorale de l’armée et continuent de protester à travers le pays, dit le professeur. Medani pense également que Burhan et son allié, Mohamed Hamdan “Hemeti” Dagolo, chef des Forces paramilitaires de soutien rapide, représentent la communauté du renseignement fondée par Bashir au Soudan, n’ayant pas une hégémonie totale sur l’establishment militaire.

“La plupart des gens ici comprennent qu’ils peuvent être isolés non seulement par la pression interne, mais aussi par l’isolement international. Ils détiennent le pouvoir, mais ils ne sont pas aussi unis les uns avec les autres que beaucoup le pensent. C’est pourquoi ils insistent pour avoir un leadership civil pour donner un visage cosmétique à leur gouvernement militaire”, explique Medani,

Fulvio Beltrami