La confrontation entre la Russie et l’Occident se déplace en Éthiopie. Les intérêts économiques italiens en danger

Lundi 21 mars, l’ambassadeur de Russie en Éthiopie, Evgeny Terekhin, lors d’une visite dans la capitale de la région d’Amhara : Bahir Dar, a réaffirmé l’engagement de son pays à soutenir le régime totalitaire éthiopien et en particulier les dirigeants nationalistes amhara. Comme geste concret de soutien, il y a la promesse d’allouer des fonds (actuellement non quantifiés) pour la reconstruction des infrastructures de la région d’Amhara détruites lors du conflit en cours qui a débuté le 4 novembre 2020.

Terekhin a également fait allusion à des collaborations avec des établissements d’enseignement supérieur de la région pour le développement des ressources humaines. Un premier accord a été signé avec l’Université de Bahir Dar pour des études de développement urbain.

Lors de la conférence de presse, l’ambassadeur de Russie a accusé à plusieurs reprises les forces de défense du Tigré et le gouvernement du TPLF (Front de Libération du Peuple du Tigré) d’être à l’origine des destructions et du chagrin que la région d’Amhara a subis au cours des 17 derniers mois, qualifiant le TPLF d’organisation terroriste. Aucune mention n’a été faite de la destruction des infrastructures, du siège et de l’embargo de l’aide humanitaire au Tigré qui s’inscrivent dans une stratégie flagrante de génocide ethnique.

Un crime contre l’humanité visant à éliminer un dangereux ennemi politico-militaire qui représente, avec l’opposition armée en Oromia, le principal obstacle au projet nationaliste amhara d’établir une domination ethnique en Éthiopie, sur le modèle de la domination impériale commencée en 975 après JC par l’empereur Menelik I qui a fondé la dynastie salomonienne d’Éthiopie et s’est terminée 225 générations plus tard, avec la déposition du dernier empereur Amhara: Tafari Makonnen Haile Selassie I en 1974.

Le responsable administratif de la région d’Amhara : Yilkal Kefale, faucon nationaliste bien connu et fervent partisan du génocide qui se déroule au Tigré, a exprimé sa gratitude au gouvernement russe pour avoir été aux côtés de l’Éthiopie durant les différents moments difficiles du conflit que persiste.

“La Russie est un pays qui se tient aux côtés de l’Éthiopie face aux défis internationaux. Au cours des différentes sessions tenues par le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour s’ingérer dans les affaires intérieures de l’Éthiopie, la Russie a reconnu la vérité du gouvernement en le soutenant dans la guerre de survie de notre pays menacé par des groupes terroristes soutenus par l’impérialisme occidental”, a-t-il pompeusement affirmé de manière flagrante Yilkal Kefale.

Le soutien au régime nationaliste amhara a été réitéré par l’ambassadeur de Russie lors d’une rencontre avec l’adjoint au maire de Bahir Dar, Dire Sahlu. L’ambassadeur a promis au maire adjoint le soutien de la Russie pour travailler avec l’État régional d’Amhara sur toute coopération au développement et a déclaré que la région pourrait demander le soutien et la coopération dont elle a besoin.
Aucune indiscrétion n’a été divulguée sur le soutien militaire russe formalisé dans l’accord de coopération militaire entre les deux pays, signé en 2018. Depuis le début du conflit, le soutien militaire russe au régime nationaliste d’Amhara s’est limité à la fourniture d’armes et de munitions, ce qui a entraîné bien en deçà du soutien reçu des autres alliés internationaux: Chine, Emirats Unis, Iran, Turquie. Face aux défis planétaires imposés par la guerre en Ukraine, ce soutien militaire pourrait désormais augmenter drastiquement.
Les relations russo-éthiopiennes remontent à 1890 lorsque le soutien militaire de la Russie tsariste fut décisif pour vaincre la tentative de conquête coloniale de l’Éthiopie menée par l’Italie, qui se termina désastreusement le 1er mars 1896 par la défaite des troupes italiennes qui mit fin à les ambitions coloniales des Italiens dans la Corne de l’Afrique.

La Russie et l’Ethiopie sont deux anciens empires avec des populations différentes soumises depuis des siècles par des gouvernements centrales et totalitaires, les Tsars et les Amhara. Les deux pays partagent également l’identité orthodoxe. Depuis au moins deux siècles, les Églises orthodoxes éthiopienne et russe sont étroitement liées par une vision commune de la foi chrétienne.
Les relations avec l’Éthiopie se sont renforcées pendant la période de la « terreur rouge » de la junte militaire du DERG dirigée par le féroce dictateur éthiopien Mengistu Haile Mariam où l’Union Soviétique a imposé le modèle communiste de Staline. Suite à la chute du régime en 1991 par le TPLF et l’Armée de Libération Oromo – OLA, les relations avec la Russie sont entrées en crise, les forces démocratiques fédéralistes préférant se diriger vers l’Union Européenne et les États-Unis.
L’alliance avec le régime nationaliste d’Amhara est en fait un acte obligatoire pour protéger les intérêts de Moscou dans la Corne de l’Afrique et, en général, en Afrique, étant que leTPLF et l’OLA sont les mêmes forces qui se battent actuellement pour libérer le pays.
Pour Moscou, le TPLF représente un ennemi mortel car il a bloqué l’influence russe dans le pays pendant près de 30 ans, devenant un allié privilégié des États-Unis, garantissant un contrôle fort de Washington sur la région de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge, grâce à une politique de développement économique et militaire qui avait transformé l’Éthiopie en une puissance régionale pro-occidentale.

L’avènement du Premier Ministre Abiy Ahmed Ali (ironiquement recherché et soutenu par le TPLF lui-même en 2018) a ouvert des espaces de pénétration économique et d’influence géopolitique pour la Russie et la Chine. En moins de deux ans, Moscou a considérablement accru sa coopération militaire et économique avec l’Éthiopie, considérée comme un pays stratégique en raison de son influence en Afrique. D’allié de premier ordre, l’Éthiopie sous le régime nationaliste amhara est devenue une source de vives inquiétudes pour les États-Unis et l’Union Européenne qui se sont révélés incapables de faire face à la menace stratégique de Moscou et de Pékin.

Lorsque la direction nationaliste amhara, qui contrôle de fait le Premier Ministre éthiopien Abiy, a fait alliance avec le dictateur érythréen Isaias Afwerki (un autre allié de premier ordre de Moscou et Pékin), déclenchant la guerre contre le Tigré et l’Oromia, les États-Unis ont activé la politique du soutien militaire de son allié : le TPLF en l’étendant à l’Armée de Libération Oromo, transformant le conflit éthiopien en une guerre par procuration contre l’impérialisme chinois et russe.

Les intentions initiales de la Russie pour l’Éthiopie prennent maintenant un nouveau sens à la lumière de la guerre de Poutine contre l’Ukraine. Un conflit défensif contre le projet mené par les États-Unis d’encercler la Russie par l’OTAN, qui a intensifié le fossé entre la Russie et l’Occident, provoquant un découplage économique important entre les parties.
La guerre en Ukraine a déclenché l’escalade du différend régional entre la Russie et l’Occident qui s’est étendu à l’Éthiopie et qui semble destiné à s’étendre à l’ensemble du continent africain. Le Kremlin voit le renforcement de ses ambitions dans la région de la Corne de l’Afrique, en termes de conflit avec l’Occident dans lequel la guerre civile en Éthiopie devient le centre névralgique de la confrontation.

Dans la nouvelle vision stratégique que la Russie a adoptée depuis qu’elle a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine, le soutien politique et militaire au régime nationaliste amhara est une priorité absolue alors que la guerre civile éthiopienne devient partie intégrante d’un effort concerté de Moscou pour faire face aux sanctions occidentales. L’Éthiopie, avec le Burundi, l’Érythrée, le Mali et la République Centrafricaine, devient l’un des bastions russes sur le continent pour renforcer le contrôle sur les minéraux africains rares et précieux. Par exemple, l’extraction d’or, de diamants et de minéraux rares est présente dans toutes les récentes expansions russes en Afrique.

Selon divers experts internationaux, dont Thedore Murphy, directeur de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge du Conseil européen des relations étrangères, la Russie pourrait utiliser l’Éthiopie comme champ de bataille alternatif pour affaiblir les États-Unis et l’Union Européenne. Ce nouveau théâtre d’affrontement pourrait prendre la forme d’une instabilité permanente susceptible de détourner l’attention des Alliés occidentaux dans la Corne de l’Afrique et de diviser les États membres de l’Union Européenne sur quelle région privilégier et quelles alliances renforcer pour résoudre à leur niveau faveur de la guerre civile éthiopienne.

Le principal facteur de division de l’UE dans la stratégie dans la Corne de l’Afrique est joué par l’Italie qui tente depuis 2018 une politique indépendante dans la région visant à renforcer les intérêts économiques nationaux et la vente d’armes qui devient un moteur immoral mai très rentable du développement économique italien.

Cette politique indépendante, promue sans honte ni réserve par le Premier