De Milan à Paris, la diaspora Tigrigna se mobilise pour la Paix (Fulvio Beltrami)

Le 4 novembre, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a ordonné aux troupes d’entrer dans le Tigré à la suite d’attaques présumées des forces du Front de libération du peuple du Tigré contre des camps militaires fédéraux dans la région du nord. Abiy, lauréat du Prix Nobel de la Paix de l’année dernière, a déclaré la victoire dans le Tigré le 28 novembre, mais la poursuite des combats a entravé les efforts de secours et l’agence des Nations Unies pour les réfugiés affirme que la situation humanitaire est “toujours plus critique “.
L’Occident, aux prises avec la pandémie de Covid19, prend lentement conscience de la gravité de la situation en Éthiopie. Nous sommes au 36e jour du conflit au Tigré. Tous les espoirs de résoudre militairement une crise politique entre le gouvernement du Premier Ministre Abiy et le Front de Libération du Peuple du Tigré – TPLF, ont disparu. Les forces de défense régionales de Tigrinya sont loin d’être vaincues.
A partir d’une première évaluation (très partielle) de la situation humanitaire réalisée par les observateurs de l’ONU, le tableau de la situation humanitaire dans la région «rebelle» est dévastateur. Plus de 50 000 réfugiés au Soudan, qui pourraient doubler d’ici la fin décembre. Près de 900 000 personnes ont un besoin total de nourriture et de santé, dont 52% d’enfants de 01 à 10 ans.
La diaspora de Tigrigna en Europe se mobilise pour attirer l’attention sur la guerre civile en cours. Des gens ordinaires, des mères, des travailleurs honnêtes, des étudiants, unis dans la douleur des milliers de personnes endeuillées au Tigré, angoissés par le sort de leurs proches restants dont ils n’ont pas entendu parler depuis un mois et demi en raison du blocage de l’information décrété par le gouvernement fédéral dans l’espoir de cacher les crimes contre l’humanité commis pour obtenir une victoire rapide sur le TPLF qui ne se sont pas matérialisés.
Parmi les différents événements, les plus marquants sont ceux de Milan et de Paris.
La manifestation à Milan sur la Piazza Castello, M1 Cairoli, convoquée dimanche 6 novembre, a vu la participation de 200 personnes, pour la plupart Tigrigna mais aussi des Érythréens et quelques Italiens comme un signe de solidarité. Une manifestation ordonnée sous la pluie pour exprimer la douleur et les inquiétudes des proches et des membres de la famille restés dans le pays. Seront-ils morts?
Ont-ils échappé au Soudan ou sont-ils toujours pris au piège dans la magnifique région du Tigré, qui a été transformée en cauchemar et en abattoir par les troupes de l’armée fédérale éthiopienne, les mercenaires érythréens et les milices paramilitaires d’extrême droite Amhara? Personne ne sait. Le premier acte de guerre du lauréat du Prix Nobel de la Paix, Abiy Ahmed Ali, a été de bloquer toutes les informations, de déconnecter Internet et les lignes téléphoniques et d’empêcher les journalistes de se rendre dans les zones de conflit.
Les manifestants de Milan ont voulu rappeler au public italien que pendant 36 jours, en pleine pandémie de Covid19, 6 millions de personnes sont privées d’électricité, d’internet, de téléphone. L’approvisionnement en produits primaires tels que la nourriture, les médicaments, l’essence est bloqué. L’accès est interdit aux agences humanitaires par crainte qu’elles ne découvrent la présence de troupes érythréennes et les crimes contre l’humanité commis, ainsi que le total baclkout des médias.
Six millions d’êtres humains en danger constant de mort à cause des bombardements aériens avec des bombes incendiaires et à fragmentation multiple, traqués par les milices fascistes Amhara qui tuent à la manière «rwandaise» avec des machettes, des couteaux, des épées, des gourdins à pointes. Un nettoyage ethnique sans précédent dans l’histoire millénaire de l’Éthiopie.

Le 9 août, la diaspora Tigrigna en France s’est réunie au centre de Paris pour exprimer son angoisse comme les frères l’ont fait à Milan. Les témoignages recueillis sont effrayants. Une jeune mariée a perdu tout contact avec son mari et son fils aîné qui sont partis en vacances à Mekelle quelques jours avant le début du conflit. «Je n’ai aucune nouvelle d’eux. Après des semaines d’attente pleine d’espoir, je me suis maintenant résignée. Le gouvernement fédéral m’a surement tué mari et fils. Ils n’étaient même pas favorables au TPLF. ”
«Le Tigré a été isolé du reste du monde. Je ne sais pas ce qui est arrivé à mes parents. Sont-ils toujours vivants? Rien n’est connu. Je n’ai pas dormi depuis un mois. Je me réveille et j’essaye d’appeler, même si je sais que les téléphones ne fonctionnent pas là-bas. ” Il explique, les larmes aux yeux Eleni, une jeune Tigrigna qui étudie à Paris.

Le gouvernement fédéral éthiopien a commenté les manifestations qui les définissent: “une mise en scène misérable de quelques extrémistes fidèles à la propagande du TPLF”. Une déclaration faite en amharique pour que les médias occidentaux ne capturent pas la haine et le mépris nourris par un politicien envers une partie de sa population. Une population prise en otage par un cruel et impitoyable jeu au massacre pour la conquête absolue du pouvoir jouée par deux éléphants: TPLF et Abiy. La situation en Ethiopie et, en particulier au Tigré, rend horriblement actuelle la phrase de Jean-Paul Sartre: “Quand les riches se font la guerre, les pauvres meurent”.
Hier 10 Decembre 2020, l’ONU et l’Éthiopie ont conclu un nouvel accord pour des missions conjointes d’évaluation des besoins humanitaires dans la région du Tigray. L’accord – signé une semaine après un accord précédent s’est avéré immédiatement impossible à mettre en œuvre – “garantira un accès complet à l’ensemble du territoire et la pleine capacité de lancer des opérations humanitaires basées sur des besoins réels et sans aucune forme de discrimination”, a-t-il déclaré. a déclaré le Secrétaire Général Antonio Guterres. Dans sa déclaration, Guterres a omis un détail très important: l’aide humanitaire sera gérée et contrôlée par l’armée fédérale. Une nouvelle arme pour le Warlord Abiy à utiliser contre les TIgrigna?