Italie : à droite, l’opposition cherche une stratégie

Dans le secret des couloirs du pouvoir italien, de grandes manoeuvres sont en cours. Le récent conflit entre le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio (Mouvement 5 Étoiles, M5S) et le leader de la Ligue Matteo Salvini sur le dossier du “Gregoretti” affecte le gouvernement Conte 2 (de coalition avec le Parti démocrate.

L’affaire Gregoretti

Le Gregoretti est ce navire des garde-côtes italiens que Salvini, alors ministre de l’Intérieur, avait refusé de laisser débarquer sur les côtés italiennes en juillet dernier, avec les 131 migrants naufragés à bord. Après six jours en mer et un accord de redistribution arraché aux pays de l’Union européenne, le bateau avait pu débarqué. Les migrants n’ont été envoyés en Allemagne, comme prévu, que ce 21 décembre, soit 5 mois après leur débarquement en Italie. Pour avoir bloquer le navire cet été, l’ex locataire du Viminale Salvini risque un procès pour séquestration de personne.

“En janvier ou février, nous serons appelés à évaluer l’intérêt public d’un tel blocage d’un navire. Et nous parlons d’un navire bloqué en juillet dernier, alors que plusieurs pays européens sollicités avaient offert de redistribuer les migrants. Je dirais donc ‘oui’ à une procédure contre Salvini” a déclaré le patron du M5S, se positionnant ainsi publiquement contre le “Léghiste”.

Réponse du concerné : “je serais curieux d’aller au tribunal, moi qui serais pire qu’un violeur. Pour le viol, la peine c’est 12 ans, pour la séquestration c’est 15 ans. Cela dit, on est train de préparer tout un dossier. Après quatre jours de soit-disant séquestration, on avait obtenu que cinq pays européens se partagent les immigrés. Une chose est sûre, je le referais s’il le faut. (Giuseppe) Conte et Di Maio ont perdu leur honneur, et après ça, quand le gouvernement sautera, il n’y aura plus que les élections. D’ici là, on ne pourra rien dire de plus”.

L’espoir Draghi pour la droite

Il est par ailleurs intéressant de voir que Mara Carfagna (députée Forza Italia) est en train de tricoter la création d’un espace de centre-droite modéré et responsable, prêt aux commentaires des observateurs les plus attentifs, à fournir via le soutien d’une vingtaine d’élus parlementaires, un appui nécessaire à le tenue du gouvernement Conte 2 ou éventuellement pour ouvrir à Mario Draghi (ex-président de la BCE) un poste de chef du gouvernement technique.

“Ce n’est pas un parti ni un courant de Forza Italie, a expliqué la vice-président de la Chambre des députés, mais une association de ceux qui veulent mettre en commun leurs idées, propositions et personnalités en dehors du cercle des parlementaires ou dirigeants de parti. Des propositions qui entrent dans le champ du centre-droit, pour l’alimenter en carburant, car on ne peut pas vivre que sur des invectives anti-migrants et contre l’UE, mais en élaborant des projets et des solutions face aux urgences du pays”, selon Mara Carfagna.

Il semble donc que seuls Salvini et Berlusconi parlent de nouvelles élections, ce dernier appelant d’ailleurs, et il n’est pas le seul, à un retour direct de l’ex-président de la BCE. Le fondateur de Forza Italia a estimé: “les Italiens ressentent le besoin d’une stabilité qui manque jusqu’à aujourd’hui et est réclamée. Le gouvernement et la majorité parlementaire ne correspondent pas au sentiment général des électeurs qui ont une âme de centre-droit. C’est pour cela que nous souhaitons des élections dans les prochains mois, mais nous accepterons aussi l’hypothèse d’un gouvernement technique dirigé par Mario Draghi. Il représenterait un Président du Conseil capable de faire front face aux exigences du pays”, a affirmé Silvio Berlusconi.

Possible chute du gouvernement ?

Les voix annonçants une possible crise du gouvernement Conte 2 se multiplient. A cet égard, un examen informel interne à la majorité est attendu dès la fin de l’élection régionale en Émilie-Romagne le 26 janvier. Pour l’instant, ce ne sont que des spéculations journalistiques et officieuses des coulisses du pouvoir. D’ici la fin du mois janvier, peu d’éléments consistants permettent pour l’instant de dire si le gouvernement tiendra ou tombera.

Mais la donnée réelle, passée sous silence par une bonne partie de la presse italienne, est que Salvini craint de perdre ses soutiens en restant relégué à l’opposition, raison pour laquelle un procès médiatique sur l’affaire Gregoretti représenterait un beau cadeau de Noël à la Ligue. Si Di Maio ne s’en rend pas compte, il ouvrira finalement la voie à ses ex-alliés du gouvernement. L’Italie a besoin de stabilité et de réformes, elle ne peut pas tomber encore et toujours dans le piège de la démagogie.

Christian Meier