Le Pape exhorte les diplomates à “maintenir allumée la flamme du dialogue et de l’auto-contrôle”

Au Moyen-Orient, “les signes qui parviennent de toute la région sont particulièrement préoccupants, suite à l’élévation de la tension entre l’Iran et les États-Unis, et qui risquent surtout de mettre à dure épreuve le lent processus de reconstruction de l’Irak, et aussi de créer les bases d’un conflit à plus grande échelle que nous voudrions tous pouvoir empêcher”. Ce sont les mots du Pape François lors de son traditionnel discours de vœux au corps diplomatique ce jeudi 9 janvier dans la salle Royale du Vatican.

Face aux ambassadeurs qui représentent 183 pays près le Saint-Siège, le Pape a dit “renouveler son appel pour que les parties intéressées évitent un durcissement de la confrontation et maintiennent allumée la flamme du dialogue et de l’auto-contrôle dans le plein respect de la légalité internationale”.

Préoccupations internationales

Le Pape a ainsi dénoncé “la chape de silence qui risque de recouvrir la guerre qui a dévasté la Syrie au cours de cette décennie”. “Il est particulièrement urgent de trouver des solutions adéquates et clairvoyantes qui permettent au cher peuple syrien, épuisé par la guerre, de retrouver la paix et d’entamer la reconstruction du pays. Le Saint-Siège accueille favorablement toute initiative visant à poser les bases en vue de la résolution du conflit et exprime, une fois encore, sa gratitude à la Jordanie et au Liban pour avoir accueilli et pris en charge, avec de nombreux sacrifices, des milliers de réfugiés syriens. Malheureusement, en plus des fatigues causées par l’accueil, d’autres facteurs d’incertitude économique et politique, au Liban et dans d’autres États, sont en train de provoquer des tensions au sein de la population, mettant ultérieurement à risque, la fragile stabilité du Moyen-Orient”.

Par ailleurs, François, qui sera le 23 février à Bari pour participer à la rencontre des évêques des pays du pourtour méditerranéen, a assuré de “l’encouragement du Saint-Siège pour les négociations pour la réunifications de Chypre, qui renforcerait la coopération régionale en favorisant la stabilité de toute la zone méditerranéenne”, ainsi que sa “reconnaissance pour les tentatives visant à résoudre le conflit dans la partie orientale de l’Ukraine et mettre fin à la souffrance de la population”,

L’Amérique latine inquiète le Saint-Père

Le Souverain pontife a aussi les conflits internes dans de nombreux pays de l’Amérique latine, citant en particulier le Venezuela. Il s’est dit très préoccupé par “la multiplication des crises politiques dans un nombre croissant de pays du continent américain suscite la préoccupation, avec des tensions et des formes insolites de violences qui aggravent les conflits sociaux et génèrent de graves conséquences socio-économiques et humanitaires. Les polarisations toujours plus fortes n’aident pas à résoudre les problèmes vrais et urgents des citoyens, surtout des plus pauvres et des plus vulnérables, et encore moins la violence qui ne peut en aucun cas être adoptée pour affronter les questions politiques et sociales” et a appelé à se “souvenir du Venezuela afin de ne pas réduire les efforts pour trouver des solutions”.

Pour le Pape, “les polarisations toujours plus fortes n’aident pas à résoudre les problèmes vrais et urgents des citoyens, surtout des plus pauvres et des plus vulnérables, et encore moins la violence qui ne peut en aucun cas être adoptée pour affronter les questions politiques et sociales”. En général, a poursuivi le pontife argentin, “les conflits dans la région américaine, bien qu’ayant des racines diverses, ont en commun les profondes inégalités, les injustices et la corruption endémique, ainsi que les diverses formes de pauvreté, qui sont une offense à la dignité des personnes. Il faut donc que les leaders politiques s’efforcent de rétablir urgemment une culture du dialogue pour le bien commun et pour renforcer les institutions démocratiques et promouvoir le respect de l’état de droit, afin de prévenir des dérives anti-démocratiques, populistes et extrémistes”.

Le Pape dénonce les violences en Afrique

Concernant le continent africain, le Pape a dénoncé tout particulièrement les “épisodes de violences au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigeria, contre des personnes innocentes, parmi lesquelles beaucoup de chrétiens persécutés et tués en raison de leur fidélité à l’Évangile”. Il a exhorté “la Communauté internationale à soutenir les efforts que ces pays accomplissent dans la lutte pour vaincre la plaie du terrorisme qui ensanglante toujours plus des parties entières de l’Afrique, comme d’autres régions du monde”.

“À la lumière de ces événements, il est nécessaire d’encourager les initiatives qui promeuvent la fraternité entre toutes les expressions culturelles, ethniques et religieuses du territoire, spécialement dans la Corne de l’Afrique, au Cameroun, mais aussi en République Démocratique du Congo où, surtout dans les régions orientales du pays, des violences persistent. Les conflits et les urgences humanitaires, aggravées par les bouleversements climatiques, augmentent le nombre des personnes déplacées et se répercutent sur les personnes qui vivent déjà dans un état de grande pauvreté”.

Un grand nombre de pays touchés par ces situations manquent des structures adéquates permettant de subvenir aux besoins de tous ceux qui ont été déplacés.

Encouragements pour la jeunesse

Dans ce contexte caractérisé par ces aspects sombres, François veut encourager “la façon dont de nombreux jeunes s’engagent aujourd’hui à sensibiliser les leaders politiques sur les questions climatiques”.

“Le soin de notre Maison commune, a expliqué le Pape, doit être un préoccupation pour tous et non un sujet d’opposition idéologique entre différentes visions de la réalité, ni entre générations, car il s’agit d’un contact avec la nature, comme le rappelait Benoît XVI, dans lequel la personne retrouve sa dimension propre, se redécouvre créature, petite et à la fois unique, ‘capable de Dieu’ car intérieurement ouverte à l’Infini’. La protection du lieu que le Créateur nous a donné pour vivre ne peut donc pas être négligé, ni se réduire à une problématique élitiste. Les jeunes disent qu’il ne peut pas en être ainsi, qu’il s’agit d’un défi urgent à tous les niveaux, de protéger notre Maison commune et ‘d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’une développement durable et intégral’. Ils nous rappellent l’urgence d’une conversion écologique, qui ‘doit être intégral, comme une transformation des relations que nous entretenons entre frères et soeurs, entre êtres vivants, avec la Création dans sa très riche diversité, avec le Créateur qui est l’origine de notre vie”.

Malheureusement, a continué le Pape, “l’urgence de cette conversion écologique semble ne pas être acquise par la politique internationale, qui répond de façon trop faible et inquiétante aux problématiques du réchauffement global”. Pour lui, les résultats de la COP25 à Madrid en décembre représentent “une sérieuse sonnette d’alarme concernant la volonté de la Communauté internationale d’affronter avec sagesse et efficacité le phénomène du réchauffement global, qui demande une réponse collective capable de faire prévaloir le bien commun sur les intérêts particuliers”.

Le Pape François a aussi redit son intention de se rendre au Sud Soudan dans l’année, un pays “que j’espère pouvoir visiter dans le cours de cette année et auquel j’ai dédié une journée de retraite en avril dernier avec la présence de responsables du pays”, et les responsables des Églises anglicane et presbytérienne. “J’ai confiance qu’avec l’aide de la Communauté internationale, ceux qui ont des responsabilités politiques poursuivent le dialogue pour mettre en œuvre les accords établis”.

Pour une Europe solidaire

Face aux diplomates, le Pape a ensuite évoqué la situation en Europe : “que l’Europe ne perde pas le sens de la solidarité qui, des siècles durant, l’a caractérisée, même dans les moments plus difficiles de son histoire. Qu’elle ne perde pas cet esprit qui s’enracine, entre autre, dans la “pietas” romaine et dans la “caritas” chrétienne, qui décrivent bien l’âme des peuples européens”.

Revenant sur les flammes qui ont dévoré une partie de la cathédrale de Paris le 15 avril 2019, le Pape a estimé que “l’incendie de la cathédrale Notre-Dame à Paris a montré combien il est fragile et facile de détruire même ce qui semble solide. Les dégâts subis par un édifice, cher non seulement aux catholiques mais significatif pour toute la France et l’humanité tout entière, ont réveillé le thème des valeurs historiques et culturelles de l’Europe et des racines sur lesquelles elle se fonde. Dans un contexte dans lequel les valeurs de référence manquent, il devient plus facile de trouver des éléments de division que de cohésion”. Il a aussi souhaité à l’Italie de “redécouvrir cet esprit d’ouverture à l’avenir qui l’a distingué lors du Rinascimento et qui a rendu cette Péninsule si belle et riche en art, histoire et culture”. Il a rappelé aussi l’anniversaire cette année des 500 ans de la mort du grand artiste italien Raphaël mort à Rome le 6 avril 1520. “Nous devons à Raphaël un considérable patrimoine d’une inestimable beauté. De même que le génie de l’artiste sait composer harmonieusement des matières brutes et des sons différents en les rendant partie d’une unique œuvre d’art, de même la diplomatie est appelée à harmoniser les particularités des divers peuples et États pour édifier un monde de justice et de paix, qui est le beau tableau que nous voudrions pouvoir admirer”.

“Raphaël a été un fils important d’une époque, celle de la Renaissance, qui a enrichi l’humanité entière, a reconnu l’évêque de Rome. Une époque, non exempte de difficultés, mais animée de confiance et d’espérance. À travers cet artiste éminent, je désire faire parvenir mes vœux cordiaux au Peuple italien, à qui je souhaite de redécouvrir cet esprit d’ouverture au futur qui a caractérisé la Renaissance et qui a rendu cette péninsule si belle et si riche en art, en histoire et en culture.”

Faire la lumière sur les abus sur mineurs

Dans son discours, voulant affronter le thème de la pédophilie dans l’Église, le Pape François a enfin évoquer son premier voyage de l’an dernier, à Panama “à l’occasion des 36è Journées Mondiales de la Jeunesse”, soulignant que “c’est toujours une joie et une grande chance de pouvoir rencontrer les jeunes. Ils sont l’avenir et l’espérance de nos sociétés”, mais que “cependant, c’est tristement reconnu, un certain nombre d’adultes, y compris certains membres du clergé, se sont rendus coupables de délits très graves contre la dignité des jeunes, des enfants et des adolescents, en en violant l’innocence et l’intimité. Il s’agit de crimes qui offensent Dieu, causent des dommages physiques, psychologiques et spirituels aux victimes et portent atteinte à la vie des communautés entières”.

“Dans le prolongement de la rencontre avec les épiscopats du monde entier que j’ai convoqués au Vatican en février dernier, le Saint-Siège renouvelle son engagement pour que la lumière soit faite sur les abus commis et que la protection des mineurs soit assurée, à travers un large éventail de normes permettant de faire face à de tels cas dans le domaine du droit canonique et à travers la collaboration avec les autorités civiles, au niveau local et international”, a insisté François.

Face à des blessures si graves, a encore dit le Pape, “il apparaît toutefois encore plus urgent que les adultes ne renoncent pas au devoir d’éducation qui leur revient, mieux encore, qu’ils assument cet engagement avec un zèle plus grand afin de conduire les jeunes à la maturité spirituelle, humaine et sociale” .

C’est pour cette raison qu’il a organisé le 14 mai prochain “une rencontre mondiale sur le thème ‘Reconstruire le pacte éducatif mondial’, destinée à créer une alliance éducative. “Il faut donc un concept d’éducation qui embrasse la vaste gamme d’expériences de vie et de processus d’apprentissage et permette aux jeunes, individuellement et collectivement, de développer leur personnalité. L’éducation ne s’arrête pas dans les salles de classe des écoles ou des Universités, mais elle est assurée principalement en respectant et en renforçant le droit primaire de la famille à éduquer, et le droit des Églises et des groupements sociaux à soutenir et à collaborer avec les familles dans l’éducation des enfants.”

Invitations à la joie et l’espérance

“Une nouvelle année s’ouvre devant nous et, comme les pleurs d’un enfant à peine né, elle nous invite à la joie et à assumer une attitude d’espérance”, a expliqué le Saint-Père. “Je voudrais que ce mot – espérance –, qui pour les chrétiens est une vertu fondamentale, anime le regard avec lequel nous entrons dans la période qui nous attend.”

“Malheureusement, l’année nouvelle ne semble pas être semée de signes encourageants, mais plutôt s’envenimer par des tensions et des violences”, a ensuite reconnu le Pape. Mais, “espérer exige la prise de conscience que le mal, la souffrance et la mort ne prévaudront pas et que même les questions les plus complexes peuvent et doivent être affrontées et résolues”, a conclu le Souverain Pontife.