Pape François explique “Laudate Deum”. “Les vrais changements viennent d’en bas vers le haut, aidés par les forces d’en haut, mais d’en bas”

Dans une brève interview accordée à l’évêque de Vérone, Domenico Pompili, le Pape François a expliqué pourquoi il a jugé nécessaire de publier une nouvelle Exhortation apostolique sur la protection de la Création. “Parce que, par exemple”, a-t-il déclaré, “tant de COP [Conférences des Parties] se sont succédé. J’ai écrit cette encyclique avant la COP de Paris, qui a été la meilleure… après celle-ci, tout a reculé, presque sans qualité. J’ai pensé dire que ces COP n’ont pas été fructueuses, elles n’ont pas répondu à nos besoins. Il y a aussi de nouvelles choses à ajuster. Et puis, si nous n’agissons pas maintenant, nous serons dévorés par les lions, car c’est un moment difficile, très difficile. Nous devons prendre conscience de cela. L’un des plus éminents scientifiques d’Italie m’a dit : ‘Je ne veux pas que ma petite-fille, née l’autre jour, vive dans un monde invivable d’ici trente ans.’ C’est la réalité, nous devons en prendre conscience.”

Ensuite, le Pape François s’est adressé aux Communautés Laudato Si’, qui ont été créées pour donner suite à sa première encyclique. Ce sont des mouvements de mobilisation depuis la base qui se sont répandus en Italie et tiennent actuellement leur énième rencontre à Vérone. Le Pape a encouragé en observant : “Cela fonctionne, comme l’eau. L’eau bout d’en bas vers le haut sous l’effet de la chaleur, pas d’en haut vers le bas. C’est une loi naturelle. Les véritables changements viennent d’en bas vers le haut, aidés par les forces d’en haut, mais d’en bas vers le haut. Si ce mouvement n’existe pas, vous ne changerez rien dans la vie.”

Au cours des dernières heures, le Pape François a également adressé un message aux participants du “Village Coldiretti”, qui a été créé au Circo Massimo, à Rome, du 13 au 15 octobre. Il s’agit d’un événement où les agriculteurs et les entrepreneurs des différentes régions italiennes ont installé des stands pour promouvoir la biodiversité et la durabilité de l’agriculture, ainsi que le modèle basé sur la distinction et la qualité du “Made in Italy”, l’esprit entrepreneurial des jeunes agriculteurs et les dernières innovations. Le Pape a recommandé à ceux qui travaillent dans le secteur agroalimentaire : “Alors que vous réfléchissez à la valorisation de la distinction et de la qualité des produits agroalimentaires italiens, je vous encourage à vous rappeler de ceux qui manquent du nécessaire pour se nourrir.”

Le Pape François rappelle que dans l’encyclique “Mater et Magistra”, le Pape Jean XXIII avait souligné la valeur du travail agricole “pour la promotion intégrale de la personne”, tant au niveau individuel que communautaire, et comme “participation à la réalisation du dessein providentiel de Dieu dans l’histoire.”

Pour le Pape Roncalli, le travail de la terre “doit être conçu et vécu comme une vocation et une mission”, et François ajoute : “La création a en effet été voulue par Dieu comme un don et un héritage confiés à l’homme. Faite dans la Parole éternelle et par elle, elle n’est pas sortie des mains du Créateur déjà ‘finie’, mais dans un ‘état de voyage’, c’est-à-dire ouverte et dirigée vers une perfection qui sera atteinte à la fin des temps. En la remettant à l’homme, comme un bien à garder, Dieu a prévu qu’il contribue à la diriger vers la perfection à laquelle elle est destinée et qui sera atteinte à la fin des temps.” Transformer la terre et la faire fructifier signifie donc “collaborer au dessein initial de Dieu.” Dans la Genèse, écrit le Pape, il apparaît clairement qu’à travers le travail agricole, l’homme peut “reconnaître dans la création le signe de l’alliance que Dieu avait conclue avec lui”. Dieu lui confie son “jardin merveilleux” pour qu’il en prenne soin à la fois matériellement et moralement. “Dans le récit de la Genèse, apprendre à connaître les lois de l’agriculture, construire des canaux pour modifier le cours des rivières, sont des travaux à réaliser en vue de deux avantages : rendre la terre plus belle et plus fertile, tout en la rendant plus humaine, plus accueillante et hospitalière pour la vie de ses habitants. Alors que l’homme travaille, il change le monde, mais il change aussi lui-même en devenant plus responsable et plus généreux.”

Dans l’Évangile, poursuit François, le sens de la commande de Dieu dans la Genèse de “dominer la terre” est clarifié. Dans ce contexte, le pouvoir est vu dans la “logique de l’amour devenu service”, comme en témoigne le “Seigneur crucifié et ressuscité”. Aujourd’hui, cependant, le Pape constate que grâce aux nouvelles technologies, l’homme exerce son pouvoir “en forçant souvent la terre à produire”, mais le prix payé par la nature est très élevé : “La crise climatique que nous traversons en est la preuve : l’impact environnemental des rythmes intensifs adoptés jusqu’à présent a eu un effet négatif sur les cultures, créant des cercles vicieux de plus en plus difficiles à rompre. Plus nous maltraitons la terre, en polluant l’eau et l’air, plus nous réduisons l’espace de la biodiversité, abattons les forêts et compromettons les écosystèmes, plus il devient difficile de faire face à l’instabilité des événements météorologiques.”

“Avec la nature, l’humanité souffre également des conséquences du changement climatique, en particulier les pauvres, qui risquent de ne pas avoir de pain quotidien.” Par conséquent, il est du devoir de tous d’éradiquer cette injustice par des actions concrètes et de bonnes pratiques, grâce à des politiques locales et internationales qui ont le courage de choisir ce qui est juste et non seulement utile ou profitable.
“N’oublions pas les pauvres”, conclut François, en invitant à “semer des graines de paix”, pour “un monde où l’eau, le pain, le travail, les médicaments, la terre, la maison soient des biens disponibles pour chaque individu.”

S.C.