Comme si l’Ukraine ne suffisait pas. Pourquoi attise-t-on les braises du Kosovo ? Entretien avec J. Palalic (N. Galiè)

L’un des principes fondamentaux, peut-être le plus indispensable, de la Convention de Vienne sur les traités de 1969, pierre angulaire du droit international moderne, auquel adhèrent la plupart des pays du monde, y compris l’Italie, a des origines très anciennes : le précepte attribué à l’un des juristes romains les plus influents de l’âge classique, Ulpianus, à savoir “pacta sunt servanda”, exprime l’impossibilité de ne pas respecter une obligation découlant d’un contrat. Si ce principe normatif était ignoré, les conséquences seraient désastreuses, car la sécurité juridique serait perdue. C’est apparemment ce qui se passe dans la région du Kosovo.

Nous en parlons avec un homme politique important qui connaît bien cette question délicate, qui est aussi au cœur du destin de l’Europe, le chef du Parti populaire serbe, Jovalan Palalic, qui écrit depuis longtemps pour FarodiRoma et son édition française PlaceStpierre et qui fait autorité en la matière.

Monsieur Palalic, que s’est-il passé lundi ? Les médias italiens et internationaux semblent s’être soudainement intéressés au Kosovo, un sujet qui refait surface de manière cyclique sans que l’on tente, du moins c’est l’impression que l’on a, de traiter le sujet de manière transparente.

Il s’est passé quelque chose de très grave, mais d’assez simple à expliquer. Après les élections locales concernant quatre municipalités du nord du Kosovo, Pristina a tenté d’imposer ses propres maires albanais, en dépit du fait que seuls 3 % de la population avaient voté. Un pourcentage aussi dérisoire qui suggère clairement que le processus électoral n’a suivi aucune logique démocratique. D’ailleurs, les Serbes, qui constituent l’écrasante majorité de la région, soit 95 % de la population, avaient massivement boycotté ces élections, les considérant comme viciées dans leur forme. Il est donc évident qu’avec une participation aussi faible et très peu représentative, les résultats de ces élections sont faussés, dénaturés et, à l’évidence, inacceptables sur la forme, sinon sur le fond, sur la légitimité. Il s’agit en effet d’un principe qui sous-tend à la fois la démocratie et l’État de droit.

Et comment Pristina a-t-elle réagi?

Illégalement: elle a voulu imposer ses maires au mépris non seulement de la démocratie, mais même du bon sens. Il s’agit de “représentants” élus avec un soutien minimal qui, en réalité, n’existe pas. Pourtant, le premier ministre kosovar, Albin Kurti, a voulu faire accepter le fait accompli à la grande majorité de la population, entraînant la réaction, certes pacifique, des Serbes qui sont descendus dans la rue pour exiger de nouvelles élections, réellement représentatives du corps électoral. En effet, les Serbes, voyant que leurs droits étaient concédés, ont raisonnablement décidé de les boycotter.

Par une forme de protestation non violente, ils en réclament évidemment d’autres, auxquels ils participeront en lui donnant la légitimité nécessaire. La position des Serbes est également cohérente avec les accords conclus avec l’entité du Kosovo et négociés, il y a maintenant dix ans, par Bruxelles en 2013. Sur la base de cet accord juridiquement contraignant, Pristina avait accepté que la majorité serbe soit représentée dans les municipalités de la région, ce qui est normal puisqu’elle est extrêmement prépondérante. Néanmoins, cette obligation n’a pas été respectée. Pristina a refusé de la respecter, violant ainsi un principe démocratique très important. Et même l’UE, je dois le dire, ne fait malheureusement rien pour obliger Pristina à se conformer à des normes mutuellement contraignantes.

Pourtant, on a parlé de violence.

Oui, mais cela est arrivé plus tard et a toujours été la faute des autorités kosovares. Les manifestations des Serbes étaient en fait pacifiques, jusqu’à ce que l’intervention d’unités spéciales de la police kosovare précipite la situation. Un autre point de l’accord signé par les deux parties à Bruxelles interdisait aux Kosovars de maintenir ces unités, mais Pristina n’a pas respecté ce point non plus, leur permettant d’agir illégalement par la violence. Les Serbes avaient donc le droit de se défendre. De plus, la situation s’est également précipitée en raison de l’intervention des forces de l’OTAN, qui se sont interposées en soutenant les soldats kosovars qui, répétons-le, se trouvaient là en toute illégalité.

Il n’en reste pas moins qu’il est impossible pour les Serbes de reconnaître ces élections qui, n’importe où dans le monde et selon n’importe quelle loi électorale, n’atteindraient même pas le plus petit quorum. Les Serbes, quant à eux, veulent plus de démocratie, ils veulent simplement ce qui leur revient de droit : de nouvelles élections reconnues comme légitimes par le droit et les traités internationaux.

Quelle est la position du gouvernement serbe?

La position du gouvernement est claire et, il est important de le souligner, légale, puisqu’elle correspond au premier point des accords de Bruxelles : Pristina doit respecter les obligations qui lui incombent en vertu des traités et du droit international. Ainsi, les municipalités doivent être élues dans le respect de la majorité serbe de la population. De plus, les autorités kosovares doivent retirer les unités armées qu’elles maintiennent jusqu’à présent illégalement dans le nord du Kosovo. En effet, ces unités doivent quitter ce territoire immédiatement, sans plus attendre, car elles rendent la région dangereusement instable. Ensuite, de nouvelles élections pourront être organisées. Comme le reconnaît la pensée politique classique, telle qu’elle s’exprime dans la grande historiographie grecque, Athènes ne peut être libre avec une garnison d’hoplites spartiates installée sur l’Acropole.

Par conséquent, comme on peut aisément le déduire, nous exigeons le respect du droit international consacré par l’accord de Bruxelles. Notre position se fonde sur la nécessité première de respecter le droit international, comme l’a ordonné l’ONU.

Monsieur le député, je voudrais vous poser une dernière question à partir d’un point que vous avez déjà mentionné. Quel est le jeu de l’Union européenne dans cette situation extrêmement dangereuse ? Vous avez dit qu’elle n’impose pas d’obligations, bien qu’elle soit évidemment tenue de le faire.

C’est exact. L’UE doit obliger Pristina à respecter tout ce qui a été signé. En dehors de toute considération juridique, qui a aussi son importance dans cette affaire, si les accords conclus ne sont pas appliqués, la paix dans la région devient un mirage. La “logique” perverse selon laquelle la Serbie doit remplir toutes ses obligations, alors que Pristina en est systématiquement exemptée, ne peut pas passer. L’UE doit maintenir un certain équilibre, elle doit faire preuve de clarté et d’honnêteté, elle ne doit pas encourager, comme cela semble souvent être le cas, l’un des deux camps. En effet, on a l’impression que l’UE, au lieu d’être neutre, a tendance à se ranger du côté de Pristina. Cela nuit considérablement à la confiance mutuelle et crée un climat de suspicion

Que veut Pristina? Pourquoi ne devrions-nous pas la soutenir?

Toutes les folies ont leur propre logique. Pristina vise à la fois à interrompre le dialogue et à créer une situation de confrontation perpétuelle où seule la violence prévaut. Quelle est la trame de tout cela : le Premier ministre kosovar, dans le but mal dissimulé d’acquérir ces territoires en vidant la région par une guerre sale de basse intensité, entretient un climat de malaise dans la région. Il veut créer artificiellement et perfidement une atmosphère dans laquelle une famille serbe se dit: “nous ne pouvons pas vivre ici”. Il y parvient en encourageant la violence, en augmentant le chômage et en détériorant les services et les infrastructures nécessaires à l’économie. Il s’agit d’un projet très lâche.

Selon cette conception, les Serbes devraient en fait accepter qu’ils ne peuvent plus vivre sur leur propre territoire, puisqu’ils ne peuvent pas trouver de travail et sont constamment menacés par des forces spéciales armées. Par conséquent, le premier et dernier objectif de Kurti est de pousser les Serbes à se déplacer vers la Serbie centrale, en quittant leur maison, leur pays.

Nous exigeons que l’UE redevienne un médiateur loyal et qu’elle cesse de faire pression sur la Serbie pour qu’elle reconnaisse l’indépendance du Kosovo. Nous ne pouvons l’accepter et c’est absolument impossible.

Pour notre part, nous ne recherchons que la paix, le rétablissement d’un climat de dialogue qui permettra, à terme, de résoudre les problèmes techniques et politiques dans le respect du droit international. Le Kosovo fait historiquement et constitutionnellement partie de la Serbie, et il n’est même pas concevable qu’il soit reconnu comme une entité autonome.

Néanmoins, nous voulons créer une atmosphère dans laquelle il est souhaitable de vivre ensemble, de travailler ensemble, d’augmenter le niveau de vie et le libre-échange. Mais cela peut se faire sans que l’on fasse pression sur nous pour que nous détruisions notre intégrité territoriale.

Nazareno Galiè