Enrôlements massifs en RDC. Une mobilisation générale pour sauver la patrie (Fulvio Beltrami)

A Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, une campagne massive de recrutement de jeunes est en cours pour stopper l’avancée du Mouvement du 23 Mars et attaquer le Rwanda voisin, accusé (sans présenter de preuves irréfutables) de soutenir activement le M23. Ce recrutement fait suite à un appel lancé par le président Félix Tshisekedi à une mobilisation générale pour « sauver la patrie ».

Au 5 novembre, plus de 3 000 jeunes sont enrôlés dans les FARDC, a indiqué le Colonel Ndakala Faustin, directeur du recrutement au sein de la 34e région militaire. Des vidéos sont diffusées en continu sur les réseaux sociaux montrant des jeunes défilant et s’entraînant à Goma, chantant des chants patriotiques sous la supervision des militaires. Sur les réseaux sociaux également, on entend des nouvelles de victoires congolaises étonnantes et imaginaires et de fausses photos montrant des centaines de soldats du M23 tués.

Le mouvement politique militaire M23 a lancé une offensive le 20 octobre après l’échec des pourparlers de paix à Nairobi, conquérant de vastes territoires et des villes importantes comme Rutshuru et Kiwanja et se positionnant à quelques kilomètres de Goma.

L’armée congolaise, appuyée par les terroristes rwandais FDLR (responsables du génocide au Rwanda en 1994) est incapable d’arrêter l’avancée du M23. Les cas de désertions sont nombreux et des bataillons entiers de l’armée régulière refusent de combattre. La situation sur le terrain a contraint l’état-major général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (RARDC) à donner l’ordre de se retirer afin de “ne pas causer de morts inutiles”.

L’armée congolaise tente d’inverser le cours de ce qui semble être une défaite militaire en déployant deux chasseurs Sukhoi-25 de fabrication russe qui, mardi 8 novembre, ont bombardé des positions du M23 sur les collines de Tchanzu et Runyoni à la frontière avec l’Ouganda. Le M23 évacue la population de la ville voisine de Bunagana, secourant des civils en Ouganda de peur que le gouvernement de Kinshasa n’ordonne des bombardements aveugles sur des cibles civiles.

Damien Sebuzanane, responsable de la société civile locale, a confirmé cette information. “Bunagana a été vidé de sa population”. “La coalition des forces offensives du gouvernement congolais est sur le point de bombarder des zones densément peuplées, le M23 se défend”, a déclaré le “porte-parole politique” du M23, Lawrence Kanyuka.

Bien que les deux Sukhoi-25 auraient infligé des pertes au M23, ils ne suffiraient pas à stopper l’avancée et vaincre le M23 sans une réorganisation de l’armée congolaise capable de stopper l’avancée ennemie. De furieux combats se déroulent en ces heures à Rugari, une ville située à environ 30 km de la capitale du Nord-Kivu, Goma. Les forces gouvernementales semblent sur le point de céder et de battre en retraite.

Le recrutement de ces jeunes (pour la plupart chômeurs et semi-analphabètes) ressemble plus à un acte de propagande qu’à une véritable opération militaire. L’armée congolaise compte 129 000 hommes dont 85 000 sont issus des forces armées terrestres. Au Nord-Kivu, environ 30 000 soldats ont été engagés pour combattre les M23 dont l’effectif est estimé à environ 6 000 hommes. Environ 4000 terroristes rwandais des FDLR et miliciens congolais appelés Maï-Maï auraient rejoint les soldats congolais.

Malgré la supériorité en nombre et en armement, les FARDC et les milices alliées ne parviennent pas à l’emporter sur le M23 car de fait l’armée congolaise est parmi les plus inefficaces au monde. Mal payés, mal entraînés et mal armés, les soldats des FARDC ressemblent davantage à des miliciens plutôt à une véritable armée. La plupart des Généraux et Colonels n’ont pas la moindre connaissance des tactiques militaires et se consacrent uniquement au vol de ressources destinées à la défense nationale.

Ce qui est inquiétant, c’est la propagande du gouvernement de Kinshasa derrière ces enrôlements. Une propagande de pure haine ethnique contre la minorité tutsie congolaise et contre le Rwanda, visant à occulter l’origine de l’instabilité régionale : les terroristes rwandais FDLR réfugiés au Congo en 1994 après avoir perpétué le génocide (1 million de morts) et avoir été vaincus dès la Libération de Paul Kagame Armée : le Front patriotique rwandais.

Des appels à la haine contre les Tutsis du gouvernement de Kinshasa sont diffusés par des responsables politiques et de la société civile du Nord-Kivu en étroite collaboration avec l’état-major du groupe terroriste rwandais FDLR et par des journalistes congolais. Des appels qui incitent à des pogroms qui pourraient avoir de graves conséquences pour les civils du Nord-Kivu qui parlent la langue kinyarwanda.

Depuis juillet dernier, 80 citoyens congolais d’origine tutsie ont été assassinés tandis que la majorité des journalistes congolais diffusent de fausses nouvelles et incitent au meurtre des Tutsis. utilisant les méthodes des infâmes médias haineux rwandais pendant le génocide de 1994 : Radio Mille Colline, RTLM et Kangura, alors que les journalistes indépendants congolais et étrangers sont sérieusement entravés et menacés par les autorités de Kinshasa, rapporte le site d’information Goma24. Reporter Sans Frontière confirme la situation. “Depuis la reprise des hostilités au Nord-Kivu entre l’armée congolaise et le M23, les autorités n’ont pas caché leur volonté de faire taire la liberté et la presse indépendante, accusées de jouer le jeu de l’ennemi”.

La propagande haineuse montée par Kinshasa a atteint des niveaux si troublants que le Général Muhoozi Kainerugaba, chef des forces armées ougandaises et fils du Président Yoweri Kaguta Museveni, a ouvertement pris position contre la République Démocratique du Congo, expliquant les raisons du M23.

Dans un message lancé sur son compte Twitter dimanche 6 novembre, le Général Muhoozi explique que l’action militaire du M23 vise à défendre les minorités tutsies vivant en République Démocratique du Congo. Muhozi Kainerugaba rejette l’argument selon lequel il considère le M23 comme un mouvement terroriste et met en garde quiconque continuera à utiliser cette qualification. « En ce qui concerne le M23, je pense qu’il est très, très dangereux pour quiconque de combattre nos frères. Ce ne sont pas des terroristes. Ils se battent pour les droits des Tutsis en RDC. L’Ouganda peut aider à rétablir la paix dans l’est du Congo. La paix est ce dont nous avons besoin ! Peu importe la couleur, la tribu, la langue ou la région ! ».

La haine ethnique utilisée comme arme par Kinshasa pour cacher la défaite militaire que subit son armée est également dirigée contre le Rwanda. Les informations reçues des milieux diplomatiques occidentaux à Kinshasa donnent une image très préoccupante de la situation. Le président Félix Thisekedi, après avoir été boycotté par sa propre armée dans son plan politique de reprendre le contrôle des provinces de l’Est en combattant les groupes rebelles dont les terroristes FDLR, serait désormais à la merci des faucons du gouvernement, des forces armées et de l’aile politique du terroristes des FDLR qui poussent à attaquer le Rwanda.

Lundi 7 novembre, l’état-major de l’armée congolaise a ordonné à un Sukhoi-25 en tenue de combat de violer l’espace aérien rwandais en survolant la piste de l’aéroport de Rubavu, près de la frontière congolaise. Seul le sang-froid dont ont fait preuve les Forces armées rwandaises a empêché un affrontement qui aurait pu déclencher une guerre entre les deux pays. Les relations entre le Rwanda et la RDC sont très tendues depuis la résurgence du M23 (Mouvement du 23 mars) qui, selon Kinshasa, bénéficie du soutien de Kigali. Affirmation répétée indéfiniment mais non prise en considération par la communauté internationale faute de preuves. Kinshasa a expulsé fin octobre l’ambassadeur du Rwanda.

Le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda, l’Angola, l’Union Africaine et la communauté internationale s’emploient à relancer les pourparlers entre Kinshasa et le M23, prévus le 16 novembre à Nairobi. Pour l’instant, le Président congolais a refusé de reprendre les pourparlers. Hier, la nouvelle d’un cessez-le-feu convenu entre les parties est arrivée. Malheureusement, la nouvelle s’est avérée fausse. Une réunion à huis clos des états-majors du Congo, de l’Ouganda et du Kenya à Bujumbura Burundi est prévue ce week-end pour débloquer la situation et créer les conditions de la reprise des pourparlers de paix à Nairobi.

Parallèlement, le porte-parole du M23 a précisé dans un communiqué que la cause de la recrudescence des hostilités de la part du mouvement politico-militaire congolais est la défense de la minorité tutsie dans l’est du Congo. « Être congolais parlant le kinyarwanda n’est pas un crime. Ils méritent d’être traités comme des indigènes congolais qui ont les mêmes droits que tout le monde », a déclaré le porte-parole.