Le pape François a dû renoncer à la traditionnelle Via Crucis au Colisée “pour préserver sa santé en vue des rendez-vous du samedi et du dimanche de Pâques”. Quelque 25 000 fidèles l’attendaient au Colisée et ont néanmoins participé au rite, présidé par le vicaire de Rome, le card. Angelo De Donatis, qui a porté la croix aux dernières stations.
Les orateurs ont lu les méditations – pour la première fois écrites personnellement par Bergoglio – qui avaient été publiées ce matin.
Il est possible aujourd’hui encore de voir Jésus crucifié “dans les chrétiens humiliés par l’arrogance et l’injustice, par les gains injustes obtenus sur la peau des autres dans l’indifférence générale”, a rappelé le Souverain Pontife dans son texte. “Je comprends maintenant votre insistance à vous identifier aux nécessiteux : vous avez été emprisonné ; vous, un étranger, conduit hors de la ville pour être crucifié ; vous, nu, dépouillé de vos vêtements ; vous, malade et blessé ; vous, assoiffé sur la croix et affamé d’amour. Laisse-moi te voir dans la souffrance et voir la souffrance en toi, car tu es là, dans ceux qui sont dépouillés de leur dignité. Jésus, laisse-moi te reconnaître et t’aimer dans les enfants à naître et abandonnés”, “dans tant de jeunes qui attendent que quelqu’un entende leur cri de douleur”, “dans les trop nombreuses personnes âgées abandonnées”, “dans les prisonniers et dans ceux qui sont seuls”, “dans les peuples les plus exploités et oubliés”, a été la prière du Pape qui, dans le texte, a également rappelé les femmes qui, au Calvaire, “n’ont pas de voix mais se font entendre”. Aide-nous à reconnaître la grandeur des femmes qui, à Pâques, t’ont été fidèles et proches, mais qui, aujourd’hui encore, sont mises à l’écart, subissant outrages et violences”, a souligné le souverain pontife dans les méditations. “Jésus, les femmes que tu rencontres se frappent la poitrine et se lamentent sur toi. Elles ne pleurent pas sur elles-mêmes, mais elles pleurent pour toi, elles pleurent sur le mal et le péché du monde”.
François a également souhaité consoler par ses paroles ceux qui ont été offensés sur les médias sociaux : “Jésus, tant de gens suivent le spectacle barbare de ton exécution et, sans te connaître et sans connaître la vérité, ils portent des jugements et des condamnations, jetant sur toi l’infamie et le mépris. Cela arrive aussi aujourd’hui, Seigneur, et il n’y a même pas besoin d’une procession macabre : il suffit d’un clavier pour insulter et publier des jugements”.
L’après-midi, 4 500 fidèles étaient présents dans la basilique Saint-Pierre pour la célébration de la Passion du Seigneur, présidée par le pape (sur la photo) et par le cardinal Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison pontificale, qui a prononcé l’homélie en s’inspirant de ce que Jésus révèle aux pharisiens dans l’Évangile de Jean : “Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que je suis”.
Jésus est venu “renverser” l’idée de Dieu, mais, a souligné le cardinal capucin, “l’idée de Dieu que Jésus est venu changer, nous la portons malheureusement tous en nous, dans notre inconscient”, car “on peut parler d’un Dieu unique, pur esprit, entité suprême”, même s’il est difficile de le voir “dans l’anéantissement de sa mort sur la croix”. Pour le comprendre, il faut en effet réfléchir au sens véritable de la toute-puissance de Dieu. “Face aux créatures humaines”, explique le Père Cantalamessa, Dieu est en effet “privé de toute capacité, non seulement contraignante, mais aussi défensive. Il ne peut intervenir avec autorité pour s’imposer à elles. Il ne peut que respecter, à l’infini, le libre choix des hommes”. Le vrai visage de sa toute-puissance se révèle donc “dans son Fils qui s’agenouille devant les disciples pour leur laver les pieds ; dans celui qui, réduit à l’impuissance la plus radicale sur la croix, continue d’aimer et de pardonner, sans jamais condamner”.
Le même triomphe de la résurrection, “définitif et irrésistible”, est différent du faste des empereurs ou du “triomphe de la Sainte Eglise” dont on parlait dans le passé. “La résurrection, a-t-il conclu, a lieu dans le mystère, sans témoins. Alors que sa mort est vue par une foule nombreuse et par les plus hautes autorités politiques et religieuses, “ressuscité, Jésus n’apparaît qu’à quelques disciples, à l’abri des projecteurs”. Après la souffrance, en effet, “il ne faut pas s’attendre à un triomphe extérieur, visible, comme une gloire terrestre. Le triomphe se donne dans l’invisible et il est d’un ordre infiniment plus élevé parce qu’il est éternel ! Les martyrs d’hier et d’aujourd’hui en sont la preuve”.
Sante Cavalleri