Le pape François prie pour l’Ukraine et Gaza, condamnant les lois impitoyables de la finance (rappelant le nazisme) et de la cupidité (S.C.)

“Nous renouvelons par la prière notre proximité avec le cher peuple ukrainien si éprouvé et avec ceux qui souffrent de l’horreur de la guerre en Palestine et en Israël, ainsi que dans d’autres parties du monde. Prions, prions pour ces peuples en guerre et prions le Seigneur de semer dans le cœur des autorités de ces pays la semence de la paix”. C’est ce qu’a demandé le pape François à la fin de l’audience d’aujourd’hui dans la salle Paul VI, lors de ses salutations aux fidèles italophones, au cours d’une matinée pleine d’indications éthiques et de remarques troublantes à ne pas laisser passer.

“Une civilisation se mesure à la façon dont sont traités les plus vulnérables – n’oublions pas que les grandes dictatures, pensons au nazisme, ont écarté les vulnérables, les ont tués, les ont jetés – : les pauvres, les chômeurs, les sans-abri, les immigrés, les exploités et tous ceux que la culture de l’écartement transforme en déchets”, a admonesté le pape François à la délégation du groupe Dialop (Transversal Dialogue Prokect), lors d’une salutation avant l’audience générale. “Une politique vraiment au service de l’homme ne peut se laisser dicter par la finance et les mécanismes du marché”, a prévenu François, selon qui “la solidarité, en plus d’être une vertu morale, est une exigence de justice, qui demande de corriger les distorsions et de purifier les intentions des systèmes injustes, y compris à travers des changements radicaux de perspective dans le partage des défis et des ressources entre les hommes et entre les peuples.”

Pour le pape, il est un “poète social” qui s’engage dans ce domaine : “N’ayez pas peur de la poésie, la poésie est créativité”. L’autre pierre angulaire évoquée par Bergoglio est la légalité, qui “implique l’engagement à combattre le fléau de la corruption, de l’abus de pouvoir et de l’illégalité” : “Ce n’est que dans l’honnêteté, dans les faits, que l’on peut établir des relations saines et que l’on peut coopérer avec confiance et efficacité à la construction d’un avenir meilleur”.

“Dis-moi comment tu manges et je te dirai quelle âme tu possèdes”, a déclaré le pape lors de la catéchèse consacrée au vice de la gourmandise, ou plutôt au péché de gourmandise : “le problème n’est pas la nourriture, mais le rapport que nous entretenons avec elle”. François n’a évidemment pas voulu diaboliser la convivialité et l’art de la cuisine, que Jésus lui-même méprisait manifestement, au point d’être accusé d’être un ivrogne.
“Regardons Jésus. Son premier miracle, aux noces de Cana, révèle, observe-t-il, sa sympathie pour les joies humaines : il veille à ce que la fête se termine bien et donne aux mariés une grande quantité de très bon vin. “Son comportement suscite le scandale, car non seulement il est bienveillant à l’égard des pécheurs, mais il mange même avec eux ; et ce geste montre son désir de communion et de proximité avec tous”, a commenté le pape. Si l’attitude de Jésus à l’égard des préceptes juifs nous révèle sa pleine soumission à la loi, il fait néanmoins preuve de compréhension à l’égard de ses disciples : lorsqu’ils sont pris en flagrant délit, parce que, affamés, ils ramassent des épis, il les justifie en rappelant que le roi David et ses compagnons avaient eux aussi pris les pains sacrés”. “Mais surtout, Jésus, par une belle parabole, affirme un nouveau principe”, a expliqué François : “les invités aux noces ne peuvent pas jeûner quand l’époux est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Jésus veut que nous soyons dans la joie en sa compagnie ; mais il veut aussi que nous participions à ses souffrances, qui sont aussi celles des petits et des pauvres. Jésus est “universel”.

De plus, par rapport à l’Ancien Testament et au judaïsme, “Jésus laisse tomber la distinction entre les aliments purs et impurs, qui était une distinction faite par la loi juive. Et Jésus précise que le problème n’est pas la nourriture, mais notre relation avec elle. Lorsque quelqu’un n’a pas une relation ordonnée avec la nourriture, regardez comment il mange : à la hâte, avec le désir d’être rassasié, et il n’est jamais rassasié”, a-t-il ajouté, soulignant le concept avec la phrase que nous entendons souvent répétée : “il n’a pas une bonne relation avec la nourriture, c’est un esclave de la nourriture”. “Jésus, en revanche, valorise la nourriture, le fait de manger, même dans la société, où se manifestent tant de déséquilibres et de pathologies”.

“On mange trop ou pas assez. On mange souvent dans la solitude. Les troubles alimentaires se répandent : anorexie, boulimie, obésité… Et la médecine et la psychologie tentent de traiter le mauvais rapport à la nourriture”. “Un mauvais rapport à la nourriture produit toutes ces maladies”, a imagé le pape, toujours en parlant à bâtons rompus. “Ce sont des maladies, souvent très douloureuses, qui sont surtout liées aux tourments de la psyché et de l’âme : il y a un lien entre le déséquilibre psychique et la façon de s’alimenter”. “Cette question est très importante : dis-moi comment tu manges, et je te dirai quelle âme tu possèdes”.

“Manger est la manifestation de quelque chose d’intérieur”, a-t-il précisé, s’attardant sur des aspects tels que “la prédisposition à l’équilibre ou à la démesure ; la capacité de rendre grâce ou la prétention arrogante à l’autonomie ; l’empathie de ceux qui savent partager la nourriture avec les nécessiteux, ou l’égoïsme de ceux qui accumulent tout pour eux-mêmes”. Dans la façon dont nous mangeons, notre monde intérieur, nos habitudes, nos attitudes psychiques se révèlent”, à tel point que “les anciens Pères appelaient le vice de la gourmandise du nom de “gastrimargie”, un terme que l’on peut traduire par folie du ventre”.
“La gourmandise est une folie du ventre”, a répété François, qui a poursuivi à bout de bras : “Il y a ce proverbe : il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. La folie du ventre est un vice qui se greffe sur l’un de nos besoins vitaux, comme manger. Prenons garde à cela”.

En effet, la mauvaise alimentation (notamment le fait de privilégier la viande au point d’en manger tous les jours) fait d’immenses dégâts sur la Terre. “Si nous le lisons d’un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux, qui tue la planète”, a-t-il grondé. Mais si “le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, tout compte fait, ne cause pas un grand mal, la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, sur les biens de la planète compromet l’avenir de tous”, a dénoncé le pape. “Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été confié à notre garde, non à notre exploitation”. “Voici donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons abjuré le nom d’homme pour en prendre un autre, celui de consommateur. Et c’est ainsi que nous parlons aujourd’hui dans la vie sociale : consommateurs. Nous ne nous sommes même pas rendu compte que quelqu’un a commencé à nous appeler ainsi. “Nous avons été faits pour être des hommes et des femmes eucharistiques, capables d’action de grâce, discrets dans l’utilisation de la terre, et au lieu de cela, nous nous sommes transformés en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de gloutonnerie a fait beaucoup de mal au monde. Demandons au Seigneur”, a finalement invoqué François, “de nous aider sur le chemin de la sobriété, afin que toutes les formes de gloutonnerie n’envahissent pas nos vies”.

Sante Cavalleri