Les abus. Benoît XVI exprime “une profonde honte, une grande douleur et une sincère demande de pardon”. Mais les collaborateurs répliquent point par point aux accusations

Foto Vatican Media/LaPresse02 07 2018 RomaCronacaIl Saluto dei nuovi Cardinale a Papa EmeritoNella Foto: l'abbraccio tra Papa Francesco e Papa emerito Benedetto XVI DISTRIBUTION FREE OF CHARGE - NOT FOR SALE

Le pape Benoît XVI a souhaité une fois de plus exprimer “une profonde honte, une grande douleur et une sincère demande de pardon” à toutes les victimes d’abus sexuels. Il l’a fait dans une lettre “concernant le rapport sur les abus dans l’archidiocèse de Munich et Freising”, datée du Vatican le 6 février 2022, mais rendue publique aujourd’hui par le Bureau de presse du Saint-Siège Le pape émérite Benoît XVI, dans la lettre, a également voulu rappeler son « émotion » pour ce qu’il a appelé “les diverses expressions de confiance, les témoignages cordiaux et les émouvantes lettres d’encouragement qui me sont parvenues de tant de personnes”.

“Je suis particulièrement reconnaissant – écrit Ratzinger – pour la confiance, le soutien et la prière que le pape François m’a personnellement exprimés”. Enfin, merci à la “petite famille du monastère ‘Mater Ecclesiae'” où ils résident au Vatican, “dont la communion de vie dans les heures heureuses et difficiles – écrit le pape Ratzinger – me donne cette solidité intérieure qui me soutient”.

Dans le texte, le pape Ratzinger déclare également: “Cela me frappe de plus en plus que jour après jour l’Église place au début de la célébration de la Sainte Messe – dans laquelle le Seigneur nous donne sa Parole et lui-même – la confession de notre culpabilité et la demande de pardon. Nous prions publiquement le Dieu vivant de pardonner notre culpabilité, notre grande et très grande culpabilité. Il est clair que le mot «très grand» – écrit encore le Pape émérite – ne se réfèe pas de la même manière à chaque jour, à chaque jour. Mais chaque jour – souligne-t-il – il me demande si aujourd’hui encore je ne devrais pas parler de très grande culpabilité. Et il me dit avec consolation que peu importe combien grande peut être ma culpabilité aujourd’hui, le Seigneur me pardonne, si je me laisse sincèrement scruter par lui et suis vraiment disposé à me changer”.

Parallèlement à la Lettre du Pape émérite, le Service de presse a également publié une note dans laquelle ses collaborateurs réfutent point par point les accusations portées contre le cardinal Joseph Ratzinger de l’époque, notant qu’une simple erreur de transcription l’avait conduit à croire qu’il n’avait pas été présent lorsqu’il a été décidé d’accueillir (mais sans lui attribuer de postes) un prêtre d’un autre diocèse qui avait demandé à pouvoir se faire soigner à Munich. Et ils assurent, données en main, qu’en tant qu’archevêque, le cardinal Ratzinger n’a été impliqué dans aucune couverture d’actes d’abus.

Le courte annexe de trois pages accompagne la lettre de Benoît XVI, rédigée par quatre experts juridiques – Stefan Mückl, Helmuth Pree, Stefan Korta et Carsten Brennecke – qui avaient déjà participé à la rédaction des 82 pages de réponses aux questions de la commission. Ces réponses, qui étaient jointes au rapport sur les abus à Munich, avaient suscité la controverse et contenaient une erreur de transcription qui avait porté à l’affirmation que l’archevêque Joseph Ratzinger était absent de la réunion au cours de laquelle la décision avait été prise de recevoir un prêtre qui s’était rendu coupable d’abus.

Dans les nouvelles réponses, les experts réaffirment que le cardinal Ratzinger, lorsqu’il a reçu le prêtre qui devait être soigné à Munich, ne savait pas qu’il était un prédateur sexuel. Et lors de la réunion de janvier 1980, la raison pour laquelle il devait être soigné n’avait pas été mentionnée, tout comme il n’avait pas été décidé non plus de l’engager dans une activité pastorale. Les documents confirment les propos de Joseph Ratzinger.

La raison de cette erreur concernant la présence -initialement niée de Joseph Ratzinger- est détaillée par la suite: seul le professeur Stefan Mückl a été autorisé à voir la version électronique du dossier de l’instruction, sans pouvoir sauvegarder, imprimer ou photocopier les documents. Dans la phase d’élaboration successive, Stefan Korta a commis par inadvertance une erreur de transcription en retenant que Joseph Ratzinger était absent le 15 janvier 1980. Cette erreur de transcription ne peut donc pas être imputée à Benoît XVI comme une fausse déclaration consciente ou un «mensonge». D’ailleurs, en 2010 déjà, plusieurs articles de presse, jamais démentis, parlaient de sa présence lors de cette réunion et le Pape émérite lui-même, dans la biographie écrite par Peter Seewald, publiée en 2020, affirme avoir été présent.

Lorsqu’il était archevêque de Munich et de Freising, le cardinal Joseph Ratzinger a participé, contrairement à ce qui a été précédemment affirmé, à une réunion concernant un prêtre …

Les experts affirment que dans aucun des cas analysés dans le rapport, Joseph Ratzinger n’était au courant d’abus sexuels commis ou soupçonnés d’avoir été commis par des prêtres. La documentation ne fournit aucune preuve du contraire et, en effet, répondant à des questions précises sur ce point lors de la conférence de presse, les mêmes avocats, auteurs du rapport, ont déclaré qu’ils présumaient que probablement Joseph Ratzinger était au courant, mais sans que cette affirmation ne soit corroborée par des témoignages ou des documents.

Enfin, les experts démentent que les réponses qu’ils ont rédigées au nom du Pape émérite aient minimisé la gravité du comportement exhibitionniste d’un prêtre. «Dans le mémoire, Benoît XVI n’a pas minimisé le comportement exhibitionniste, mais l’a expressément condamné. La phrase utilisée comme prétendue preuve de la minimisation de l’exhibitionnisme est sortie de son contexte». Dans sa réponse, Benoît XVI a qualifié les abus, y compris l’exhibitionnisme, de «terribles», «péchés»,  «moralement répréhensibles» et «irréparables». Dans l’évaluation du droit canonique, «il a été simplement indiqué que, selon le droit alors en vigueur, de l’avis des conseillers de droit canonique, l’exhibitionnisme n’était pas un crime de droit canonique, parce que la norme pénale pertinente n’incluait pas, dans le cas d’espèce, un comportement de ce type».

L’annexe, signée par les quatre conseillers juridiques et dont le Pape émérite assume la responsabilité, contribue ainsi à clarifier ce qui provient de l’esprit et du cœur de Joseph Ratzinger, et ce qui est le résultat des recherches de ses conseillers. Benoît XVI réaffirme qu’il n’avait pas connaissance des abus commis par des prêtres durant son bref épiscopat. Mais au travers de paroles humbles et profondément chrétiennes, il demande pardon pour la «très grande faute» des abus et pour les erreurs, qui ont eu lieu notamment au cours de son mandat.