Antisémitisme : avons-nous appris la leçon d’Auschwitz ?

En 2016, 382 000 messages antisémites, soit 43,6 par heure ou un toutes les 83 secondes, ont été postés sur internet, selon le rapport du Congrès juif mondial. Parmi eux, 2 700 sont apparus sur les réseaux italiens.

Le premier mois de 2018, 23 publications par heure pour un total de 550 par jour contenaient aussi des paroles anti-sémites et néo-nazies, et 4,5 messages par heure et 108 par jour qui niaient la Shoah. C’est ce que rappelle l’évêque italien de Frosinone (Latium), Mgr Ambrogio Spreafico, président de la Commission pour le dialogue oecuménique et interreligieux de la Conférence des évêques italiens.

Dans le quotidien italien Corriere della Sera, lors de la XXXIè Journée pour l’approfondissement et le développement du dialogue entre catholiques et juifs, Mgr Spreafico explique que “la célèbre affirmation de Pie XI, qui face aux lois antisémites du fascistes a dit ‘nous sommes spirituellement sémites’, et ce fut le premier moment de prise de distance avec la haine anti-juive. Cette phrase exprimait le tourment du Pape face à l’antisémitisme, même si l’Eglise, dans l’année dramatique de 1938, perdit l’occasion de condamner officiellement les lois racistes du Fascisme.

Toutefois, pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les juifs furent déportés et exterminés, la résistance de l’Eglise à Rome et en Italie s’est manifestée par l’hospitalité et l’accueil des persécutés, avec des milliers de juifs accueillis et sauvés par les instituts religieux et les paroisses. C’est surtout le Concile Vatican II qui modifia en profondeur l’enseignement catholique sur les juifs, en reconnaissant la validité pérenne de l’alliance de Dieu avec Israël – ce que Jean-Paul II aurait ensuite défini ‘l’alliance jamais révoquée’- et ainsi dépassant la ‘théologie de la substitution’ qui, depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, tenait à considérer l’Ancien Testament et l’économie salvatrice ici définie comme définitivement surmontée par Jésus, avec l’idée que la révélation chrétienne aurait non seulement accompli mais aussi annulée la juive”.

La Mémoire n’est pas la nostalgie

“J’espère, souligne l’évêque dans un entretien avec l’agence Sir, que l’Europe a retenu la leçon des drames de la guerre : 70 millions de morts, 6 millions de juifs exterminés, sans oublier les 500 milles tsiganes, opposants politiques, prêtres et tant d’autres tués. J’espère vraiment que cette mémoire reste vivante encore aujourd’hui, mais l’avoir vivante aujourd’hui veut aussi dire nous préserver d’un retour à une mentalité d’exclusion de l’autre. L’antisémite n’est rien d’autre que l’expression la plus tragique d’une forme d’exclusion qui devient, dans notre société, une haine pour les étrangers, l’intolérance pour les immigrés, le racisme, la marginalisation des plus faibles, des pauvres et des plus âgés”.

Selon Mgr Spreafico, “la mémoire est fondamentale parce qu’elle nous rappelle le passé mais aussi nous comprenons ainsi mieux le présent dans lequel nous vivons et nous donnons une perspective à notre avenir. Nous sommes aujourd’hui un peuple de pleurnichards, de gens qui se sentent victimes d’un mal-être, qui peut être justifié, mais qui fait naître une grande peur et rend nostalgiques du passé. La Mémoire n’est pas la nostalgie. La mémoire est quelque chose qui tu portes en toi et qui t’ouvre à une plus grande compréhension de la souffrance des autres, à la douleur du monde, l’abandon des personnes âgées, l’exclusion des pauvres. Elle te fait comprendre que nous devons nous battre pour un avenir dans lequel vivre ensemble les uns avec les autres de façon pacifique est possible.”